Le 26 mars 2025
Deux époques, et deux manières de persécuter celles et ceux qui s’opposent à un capitalisme sans éthique, ni limite. Le propos est intéressant mais un peu didactique.


- Réalisateur : Anna Recalde Miranda
- Genre : Politique
- Nationalité : Français, Suédois, Italien, Paraguayen
- Distributeur : VraiVrai Films
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 26 mars 2025

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Résumé : La frontière entre le Paraguay et le Brésil est devenue un désert vert. C’est le lieu d’origine de la république du soja, le berceau de l’agro-industrie mondiale. L’horizon est une ligne sans fin qui unit le passé et le présent. Un passé dicté par la violence politique de l’opération Condor et un présent marqué par les assassinats des défenseurs de la terre.
Critique : On a appelé Condor une opération à partir qui s’est étendue à partir du milieu des années 70 dans une grande partie de l’Amérique du Sud dont le Paraguay, les dictateurs de l’époque s’étant mis en tête de liquider tous les opposants de gauche à leur régime, avec des procédés barbares, et sous couvert des services secrets américains. Cinquante ans plus tard, la réalisatrice Anne Recalde Miranda revient sur les terres du Paraguay à la recherche de témoignages de rescapés, qui la mettent sur le chemin d’autres persécutions contemporaines mais plus larvées, à savoir les indigènes qui se voient dérober par la force et la violence leurs terres au bénéfice de grands producteurs de soja. Le premier combat était celui de militants de gauche qui tentaient de faire valoir leur liberté de pensée et de paroles dans des gouvernements ouvertement fascistes, là où le second cherche de façon assez similaire à défendre la place des opprimés face à une industrie polluante et destructrice. La réalisatrice interroge, dans les deux cas, les lobbyistes capitalistes qui n’hésitent pas à user de tous les moyens pour faire régner leur soif inassouvie d’argent et de profit.
- Copyright VraiVrai Films
Les accusés sont bien connus en Europe, dont Monsanto qui transforme des plantes pour accroître sa productivité et arrose les champs de pesticides qui non seulement engraissent leurs fabricants mais en plus tuent littéralement les petites propriétés aux alentours qui tentent de maintenir une culture biologique et familiale. De la guerre froide à la guerre verte met donc en parallèle deux formes de barbarie perpétrée contre la démocratie avec d’un côté les communistes qui cherchaient à défendre des conditions de travail et de vie plus égalitaires, notamment en faveur des exclus ; et de l’autre, des militants qui cherchent à rendre à la planète l’air dont elle manque et les espaces de terre arrachés par l’État aux familles autochtones. Le combat est similaire, même si les méthodes employés par les puissants ont évolué. Clairement, dans les années 70, les disparitions suspectes, les tortures étaient ardemment usitées, là où aujourd’hui les gouvernants font montre de pratiques moins ouvertement délétères mais tout aussi criminelles et barbares.
La construction du documentaire, nourri des propres émotions de la réalisatrice qui accompagne la caméra de sa voix off, échappe aux poncifs d’un monde en désuétude, au bord de l’agonie. En effet, malgré les révélations d’une brutalité inouïe et les effets catastrophiques des pratiques des gouvernants et des industriels, le long-métrage parvient à renverser le propos vers une vision plus optimiste des choses. On n’oublie pas toutefois cette image très belle et très touchante de chevaux qui, par une chaleur de quarante-cinq degrés, cherchent à se rafraîchir dans un bout d’eau stagnante. Ils s’enroulent dans l’eau, comme un symbole désespéré d’un univers qui aurait encore l’infime possibilité de se sauver si la volonté politique était là. La réalité d’un monde qui va s’effondrer du fait des politiques irresponsables en matière de rentabilité mondiale rappelle le célèbre ouvrage de Jard Diamond L’Effondrement qui témoigne avec hauteur des enjeux proches en matière de destruction.
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De la guerre froide à la guerre verte peut surprendre dans les antagonismes exprimés. Néanmoins, la cinéaste établit une enquête très sérieuse, très documentée, qui a peut-être moins à voir avec un film de cinéma qu’un documentaire pour le petit écran. L’effet didactique et persuasif est atteint, d’autant qu’elle dédicace son film à un résistant communiste, disparu récemment, qui apporte au propos une dimension tout à fait incarnée. Elle ne résiste pas à l’expression de ses émotions, dans une langue très élaborée, voire poétique, marquant sa détermination idéologique et son empreinte de réalisatrice.
On n’aura pas échappé à l’intérêt pour ce documentaire, dans un contexte où les gouvernants occidentaux appellent depuis longtemps le Brésil et le Paraguay à une politique de préservation des forêts qui non seulement constituent le poumon du monde, mais surtout permettent à des peuples indigènes et des espèces animales de survivre face à un univers globalisé, assommé par le conformisme et une croissance sans éthique.