Le 19 décembre 2021
Un premier film fulgurant et sensible qui donne la parole à ces jeunes gens de banlieue d’origine maghrébine qui ne parviennent pas à activer l’ascenseur social et à sortir du stigmate qui pèse sur eux.
- Réalisateur : Yassine Qnia
- Acteurs : M’Barek Belkouk, Tassadit Mandi, Jamil McCraven, Soufiane Guerrab, Souheila Yacoub, Thibault Cathalifaud
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Editeur vidéo : Le Pacte
- Durée : 1h27mn
- Date télé : 31 juillet 2023 21:00
- Chaîne : OCS Pulp
- Date de sortie : 4 août 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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– Sortie DVD : 8 décembre 2021
Résumé : Mehdi, la trentaine, est un perceur de coffres de petite envergure. Avec ses complices, il tente de s’en sortir mais leurs cambriolages en zone industrielle ne payent plus comme avant et les quelques alternatives professionnelles qui s’offrent à lui ne le séduisent pas. En pleine remise en question, il tente de reconquérir Sarah, mère de son fils d’un an qu’il adore.
Critique : De bas étage n’est pas un film policier qui met en scène des petits malfrats de banlieue. C’est d’abord l’histoire de toute une société française qui ne parvient pas à donner des ailes à nombre de jeunes dont les parents sont issus de l’immigration, pour sortir du déterminisme et du rejet social qui pèsent sur eux. Yassine Qnia donne naissance à un personnage troublant, Mehdi, un antihéros en quelque sorte, qui survit dans la ville d’Aubervilliers en passant ses journées à multiplier les cambriolages avec deux amis. Mehdi, c’est d’abord une figure d’une terrible solitude. Il est le père d’un petit bonhomme dont la mère aurait préféré qu’il ne naisse jamais. Il est amoureux, mais la maladresse, la bêtise, le manque de perspective le confinent à un amour devenu platonique, sans avenir. De bas étage devient donc un film dur sur l’isolement et l’impossibilité pour des hommes à devenir des adultes accomplis et équilibrés. Mehdi offre un visage triste, colérique, sur le fil, qui lutte en permanence contre l’empathie et l’affection.
- Copyright Shanna Besson
Les films sur la banlieue se réduisent souvent à une succession de stéréotypes. Cette fois, le réalisateur crée un personnage intense et désespéré. La mise en scène donne toutes les clés pour comprendre les rouages du déterminisme culturel et social qui entrave le devenir de nombreuses personnes. Le héros, sans âge, semble enlisé dans une adolescence interminable et une irresponsabilité qui le limitent à faire de son existence une ouverture au bonheur. Yassine Qnia écrit un personnage très souvent insupportable que le spectateur a envie de secouer. Il se montre violent, désagréable, incapable d’aimer simplement. C’est la figure inversée du mafieux qui se définit dans les rapports de force et la brutalité. Mehdi n’a pas l’étoffe d’un leader, il se projette nulle part en dehors de l’appartement étroit de sa mère. Bref, il incarne le visage de la médiocrité et de la désespérance.
En réalité, Yassine Qnia introduit l’espoir à travers ses personnages secondaires. Thibault, son complice, met l’argent des larcins de côté afin de se construire un avenir dans une région maritime. Sarah s’engage avec plaisir dans son métier de coiffeuse. Le réalisateur montre que la norme sociale est aussi source de bonheur. Il va à l’encontre d’un discours facile qui confine les jeunes de banlieue à une posture victimaire. Au contraire, le cinéaste invite son spectateur à se battre, à dépasser le sens commun, tout ce que ne fait pas Mehdi. Même la fin laisse supposer que l’homme ne se sortira pas des empêchements permanents qu’il dresse dans sa vie. On a là un récit clinique et rudement bien écrit qui fait la démonstration en acte des enjeux de la névrose de classe.
- Copyright Shanna Besson
Après plusieurs courts-métrages, Yassine Qnia illustre magnifiquement qu’il est possible de réaliser ses rêves. On peut faire l’hypothèse que Mehdi est l’antithèse de son propre parcours dans le cinéma. Ce premier film qui a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs est l’exemple même que le talent finit toujours pas gagner contre les résistances d’un cinéma autorisé. En tous les cas, autant le film que le parcours de Yassine Qnia forcent à l’admiration.
LE TEST DVD
Les suppléments
Entretien avec Yassine Qnia
Le réalisateur est aussi à l’aise devant que derrière la caméra et inspire d’emblée la sympathie. L’entretien est néanmoins très court et nous laisse quelque peu sur notre faim. Parmi les points éclairants sur le premier long-métrage de Yassine Qnia, plusieurs choix : le choix justifié d’avoir finalement recours à des comédiens professionnels ; le choix de tourner dans un quartier d’Aubevilliers qui est en pleine mutation ; le choix d’évoquer les perceurs de coffres qui ont vocation à disparaître. C’est le personnage central de Mehdi (interprété magnifiquement par Soufiane Guerrab) qui polarise une bonne partie de l’entretien. Yassine Qnia évoque également son tout premier court-métrage, sorte d’autorportait jubilatoire avec ses potes, baptisé Fais croquer.
De bas étage, du tournage au Festival de Cannes
Yassine Qnia assume avoir choisi de travailler sur un personnage ambigu, à l’orgueil très élevé, et en colère vis-à-vis de la place qu’il occupe sur l’échelle sociale. Mehdi est, pour reprendre ses propres termes, "à la croisée des chemins." Soufiane Guerrab avoue n’avoir jamais joué un personnage aussi fort mais n’ayant pas le déclic qu’il faudrait pour épouser un meilleur destin. De bas étage est aussi un film sur l’amour, qu’il s’agisse de celui d’une mère, d’un enfant, ou d’une femme. Yassine Qnia concède être un réalisateur pas très directif avec une énorme confiance accordée à ses comédiens. En effet, Souheila Yacoub nous confie que le maître mot de Yassine Qnia sur le tournage a toujours été "Tranquille."
Trois courts métrages du réalisateur
Il s’agit des premiers pas, plus que prometteurs, de Yassine Qnia en tant que réalisateur :
– Fais croquer
– Molii
– F430
Bande-annonce
L’image
La lecture du DVD ne cause aucun souci technique. La qualité de l’image se révèle vraiment appréciable.
Le son
Le son est aussi sans accrocs voire s’accordant même à merveille avec l’atmosphère et le rythme du film.
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Galerie Photos
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