Le 12 mars 2021
Une dénonciation cinglante et redoutablement menée par Todd Haynes sur l’empoisonnement que la société DuPont commet depuis plus de quarante ans aux États-Unis… et dans le monde. Un choc cinématographique.
- Réalisateur : Todd Haynes
- Acteurs : Tim Robbins, Mark Ruffalo, Bill Pullman, Anne Hathaway, Bill Camp, Mare Winningham, Victor Garber, William Jackson Harper
- Genre : Biopic, Drame historique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h07mn
- Date télé : 6 décembre 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 19 mai 2020
- Date de sortie : 26 février 2020
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Résumé : Robert Bilott est un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Interpellé par un paysan, voisin de sa grand-mère, il va découvrir que la campagne idyllique de son enfance est empoisonnée par une usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région. Afin de faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets toxiques de l’usine, il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa propre vie...
Critique : L’histoire est récente pourtant. Elle commence dans les années 75 où des agriculteurs constatent que leurs vaches deviennent folles, que les maladies se répandent au sein de la population ou des troupeaux. L’origine du mal est rapidement identifiée. Il s’agit de la société DuPont qui, en toute connaissance de cause, enfouit depuis des années des déchets toxiques dans les sous-sols qui environnent qui la région et empoisonne la planète entière avec son produit prétendument miraculeux : le Teflon. Un avocat, pourtant recruté pour venir au secours des entreprises ou des grands groupes, s’engage aux côtés des victimes et dénonce un scandale international de santé publique.
Cet avocat, c’est Rob Bilott, interprété par un Mark Ruffalo tout à fait époustouflant. Le comédien s’est enrobé, il adopte une mine qui alterne entre déconvenues et espoirs. Tout le film s’articule autour de cette figure héroïque qui a mis sa vie au service d’une cause désespérée. En ces temps de libéralisme triomphant, Dark Waters fait la démonstration que les batailles contre les très grands groupes et l’univers de la finance, peuvent se mener et parfois se gagner. Les enjeux de ce combat judiciaire demeurent certes les questions de santé publique au niveau international, mais aussi la question des risques qui pèsent sur l’emploi et l’économie locale, quand il s’agit de remettre en cause une entreprise cotée de cette envergure. Le combat judiciaire traverse tout le film qui est scandé de datations successives. On voit les années passer et on ne peut pas s’empêcher de penser aux victimes de ces produits chimiques, qui ont dû attendre les réponses de la justice, alors même qu’elles étaient emportées par le cancer ou d’autres pathologies redoutables. La fatigue gagne tous les acteurs, sauf sans doute l’entreprise DuPont dont on pressent très vite qu’elle compte sur le découragement des uns et des autres, pour poursuivre son entreprise d’empoisonnement généralisé.
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Le traitement de l’image est très intéressant. La couleur de l’écran semble virer en permanence au vert, poisseux, qui s’apparente finalement à ces eaux troubles, nimbées de flaques chimiques, ouvrant le film et où des jeunes gens un peu irresponsables se jettent nus. Le ton est donné dès le départ, dans cette ambiance particulière : les agents de l’entreprise DuPont, au lieu de disputer les jeunes et de les reconduire manu militari en dehors du lac, continuent de répandre le poison sur les eaux, en s’étonnant de la désinvolture de la jeunesse d’aujourd’hui. Toute la clé du film se trouve ainsi dans cette scène originelle, comme si le cinéaste voulait montrer que la responsabilité de la pollution à l’échelle du monde demeure un problème grave que chacun, à son niveau, contribue à créer ou cautionne dans le silence. La mise en scène de Todd Haynes évite avec justesse toutes les exagérations narratives, tous les excès. Le cinéaste montre à la façon de son chef-d’œuvre Carol le poids de la norme qui pousse les individus à nier le pire, à s’oublier dans leurs valeurs fondamentales et à perdre leur intégrité physique ou psychique, dans une forme d’indifférence générale.
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La durée du film contribue à renforcer le sentiment d’une temporalité qui s’étend à l’infini, face à une barrière infranchissable, le groupe DuPont, dont on voit d’ailleurs très peu les représentants. La meilleure scène du film demeure celle où l’on assiste à un entretien entre l’avocat et le directeur général de la firme. Le juriste accule le patron à prendre conscience de la manière épouvantable dont ses agents scientifiques traitent les personnes, et surtout du fait que la dangerosité du produit était connue de tous, dès sa commercialisation. La lumière est sombre et on ressent dans la mise en scène la puissance du temps qui s’écoule. Les traits du PDG se tirent, les avocats de la défense abandonnent leur siège, tandis que Robert poursuit inlassablement son entretien musclé. On ressort de cette scène, à la façon des deux protagonistes, totalement transformé, et surtout bluffé par la puissance évocatrice de la mise en scène.
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Dark Waters donnera envie à nombre de jeunes gens d’incarner le métier d’avocat. Il donnera surtout le goût de la justice, disons, le goût pour un combat juste et humain. Il rétablira les valeurs de solidarité qui doivent présider à toute société, particulièrement aux échanges marchands et financiers qui structurent le monde. On espère surtout qu’il bouleversera les consciences, et donnera l’énergie à d’autres que Robert Bilott de partir à la croisée d’un monde plus sain et écologiquement responsable.
Laurent Cambon
LE TEST DVD
Les suppléments :
En plus de la bande-annonce, le DVD propose cinq entretiens pour appréhender le long-métrage à la fois avec des regards convergents et différents autour d’un projet cinématographique ambitieux : le réalisateur Todd Haynes, l’acteur principal Mark Ruffalo, l’actrice cinq étoiles Anne Hathaway, l’acteur sceptique puis peu à peu convaincu par le scandale sanitaire démesuré Tim Robbins, puis pour terminer Rob Billot en personne (!) qui est l’avocat ayant gagné une véritable guerre d’usure vis-à-vis d’un géant de l’industrie chimique. Ce dernier cautionne le film pour son acuité et admet la charge émotionnelle indispensable pour captiver le spectateur au rythme d’un thriller à l’efficacité remarquable.
L’image :
L’image PAL est d’excellente qualité, quel que soit l’éclairage, adapté avec justesse aux aléas d’un temps capricieux.
Le son :
Le son stéréo est de bonne facture et nous tient en haleine jusqu’à la fin.
Éric Françonnet
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