L’expérience interdite
Le 7 septembre 2013
Une descente aux enfers radicale et troublante. Un électrochoc enfin disponible en DVD.


- Réalisateur : Marina de Van
- Acteurs : Laurent Lucas, Léa Drucker, Dominique Reymond, Marc Rioufol, Adrien de Van, Bernard Alane, Thibault de Montalembert
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h33mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 4 décembre 2002

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Résumé : Esther a tout pour être heureuse : un petit ami qui l’aime, un boulot où tout se passe pour le mieux... Sauf que événement imprévu : lors d’une soirée, la demoiselle s’égare et tombe. Elle ne se doute pas une seconde qu’elle s’est fait extrêmement mal, jusqu’à ce qu’elle remarque une blessure étrange sur sa jambe...
Critique : Il y a des films qui sur le moment vous déroutent et petit à petit travaillent bizarrement votre esprit, le triturent pour ne plus le laisser tranquille. Dans ma peau en fait partie. À priori, un film français indépendant qu’on peut penser (à tort) inoffensif ; en réalité, une œuvre foudroyante, dérangeante et diablement puissante. Une sorte de requiem glacial qui rend malade et réussit même à changer la perception que vous avez de votre corps et par extension du monde qui vous entoure. Peu de films peuvent prétendre à de telles ambitions. En un simple coup d’essai, la complice de François Ozon période trash (Regarde la mer, Sitcom) y parvient avec une étrange douceur.
Évacuons d’emblée les préjugés : Dans ma peau n’est pas un film uniquement concentré sur le cannibalisme ou la mutilation et qui, de surcroît, cherche à en foutre plein les yeux avec pléthore de scènes gore. L’intérêt est ailleurs. Sous le vernis spectaculaire, qui peut provoquer le rejet comme la fascination, se cache le vrai sujet : celui d’un suicide social où une jeune femme devient sujette à des pulsions autodestructrices et perd peu à peu le contrôle d’une vie confortable (boulot où elle est tellement excellente qu’elle suscite les dithyrambes de ses supérieurs et la jalousie de ses collègues ; vie de couple avec un copain très amoureux...). Cette blessure sera un choc moral et physique, une rupture dans une vie conditionnée, une remise en question dans un monde qu’elle commence à voir autrement, sous son jour le moins flatteur. Elle se sent soudainement différente. Cela s’exprime ici par un renfermement progressif sur elle-même (son corps, en premier lieu) et une incapacité de communiquer avec les autres. Les effets seront néfastes et les conséquences, très graves.
Cette plongée dans les arcanes de la folie (la vraie) correspond à celle d’un être normalement constitué qui voit sa vie basculer dans le cauchemar absolu, presque à ses dépens. C’est un sujet à la fois intime (Marina écrit, réalise et joue) et universel (tout le monde se trouve paradoxalement concerné par cette situation). On peut ne pas être prêt physiquement à subir une telle expérience (on n’est pas loin des expérimentations organiques de David Cronenberg - vous avez dit Crash ?). Mais les dernières scènes du film, aussi insupportables soient-elles, ne reposent pas sur la volonté de choquer gratuitement. Au contraire, elles nous permettent de mieux cerner le personnage et les problèmes qui le taraudent. On peut prendre le film comme un conte, une fable moderne et cruelle sur la folie, la solitude et le rejet du monde tel qu’il est, avec son cortège de jalousies, de frustrations, de rivalités, d’incompréhensions aussi. Mais on doit surtout y voir une histoire d’amour étrange et exclusive entre une jeune femme et son corps qu’elle aime séduire, posséder, détruire, soigner... Quitte à se refaire des coupures par la suite...