Dans les bois - Mindaugas Survila - critique

Notre avis : Second long métrage d’un ancien assistant de Šarūnas Bartas et Sergei Loznitsa, Dans les bois est une pure merveille cinématographique. Même les spectateurs qui ne sont pas a priori fans de documentaires animaliers devraient être fascinés par ce petit bijou qui se distingue de tout ce que le genre a proposé jusqu’à présent. On ne trouvera dans cette œuvre épurée, à la fois minimaliste et ambitieuse, ni le classicisme majestueux de La Fête sauvage de Frédéric Rossif, ni la joliesse et la surenchère technique des productions Jacques Perrin (Microcosmos : Le Peuple de l’herbe), ni le ton sentencieux et moralisateur des nombreux films qui depuis une dizaine d’années ont voulu traiter les enjeux environnementaux. Dans les bois est porté par sa bande-son exclusivement composée de bruits de la forêt et des images captant au plus près le quotidien d’animaux.

© Vsl Sengiré, Ou Vesiland, Ma.ja.de, Filmproduktions GmbH

« Je n’ai pas voulu ajouter de voix off ni de musique pour ne pas apporter d’éléments extérieurs à ce qui existait. Je ne souhaitais pas non plus influencer le spectateur en l’orientant vers ce qu’il devait entendre ou voir », a précisé Mindaugas Survila. En amont, le projet est né de la passion du réalisateur pour la nature qu’il a commencé à filmer dès l’adolescence, avant d’étudier la biologie puis le management écologique. Les multiples compétences du cinéaste quant au sujet qu’il aborde n’écrasent pas un film qui joue avant tout la carte de l’expérience sensorielle, pas si éloignée de l’approche d’un Apichatpong Weerasethakul. Et si la courte durée du film (63 minutes) pourrait laisser penser à un ouvrage mineur, il n’en est rien, d’autant plus que huit ans de travail ont été nécessaires, de la recherche de lieux dans une multitude de petites forêts de Lituanie, au montage assuré en grande partie par le réalisateur lui-même, en passant l’approche des animaux, la fabrication de matériel pour saisir leurs mouvements, ou les multiples prises de vue étalées sur plusieurs saisons.

© Vsl Sengiré, Ou Vesiland, Ma.ja.de, Filmproduktions GmbH

Le résultat est remarquable, et l’on ne peut que louer le soin apporté la mise en scène dans le contexte difficile du tournage, l’alternance de plans fixes et de mobilité de la caméra obéissant certes à un impératif technique mais offrant au métrage une belle teneur contemplative, sans coquetteries de style ni anthropomorphisme, les autres péchés mignons de ce genre cinématographique. Et l’on sera surpris d’apprendre que pour une production au budget réduit, Dans les bois a déjà battu des records, comme celui de la durée totale des rushes (400 heures) ou du poids de l’équipement de cameraman pour un tournage d’hiver (64 kg). Au final, l’œuvre n’a pas volé les récompenses qu’elle a déjà obtenues, comme le prix du meilleur son et de la meilleure photographie de l’Académie lituanienne du film, ou le prix du jury du Festival du film de nature de Matsalu.