Poulet aux hormones
Le 20 mars 2020
Qu’importe de quel coté de la loi il se trouve, la seule chose qui définit un mâle américain aux yeux de Christian Gudegast est sa virilité irréfléchie. Une image rétrograde et politiquement incorrecte qui s’assume jusqu’à l’outrance.
- Réalisateur : Christian Gudegast
- Acteurs : Gerard Butler, O’Shea Jackson Jr.
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h20mn
- Date télé : 2 février 2022 21:15
- Chaîne : TMC
- Titre original : Den Of Thieves
- Date de sortie : 21 février 2018
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Résumé : Chaque jour, 120 millions de dollars en liquide sont retirés de la circulation et détruits par la Réserve fédérale de Los Angeles. Un gang de braqueurs multirécidivistes va tenter l’audacieux tout de force de mettre la main dessus. Mais, ils vont se heurter à une unité d’élite de la police qui n’a pas l’intention de jouer dans les règles de l’art. Tous les coups sont permis pour coincer ces gangsters prêts à tout.
Notre avis : Dans un paysage cinématographique américain aseptisé où la notion de film d’action s’est faite confisquée par des blockbusters enfantins reproduisant en boucle la formule Marvel, il est légitime qu’un polar musclé à la façon de ce Criminal Squad puisse se targuer d’être l’héritage des séries B vintage. On se souvient comment, il y a deux ans, Triple 9 avait réussi, avec une formule relativement similaire, à rencontrer un certain succès. La première différence entre ces deux films est son casting, car là où John Hillcoat (qui lui-même s’était fait un nom grâce au succès de son La Route) profitait d’une belle brochette de stars, Christian Gudegast n’a que trois noms pour vendre son film : Gerard Butler, 50 Cent et O’Shea Jackson Jr. Le premier, récemment vu dans Geostorm, a un don pour multiplier les nanars sans rien perdre de cette confiance en soi qu’il affiche fièrement depuis 300. Le second est un ancien rappeur, qui avait connu le succès il y a une quinzaine d’années mais reste une figure bien connue pour les amateurs de hip-hop. Le troisième est le fils d’Ice Cube et semble suivre les traces de son papa, non pas celles de sa période Boyz’N the Hood, mais celles –mois glorieuse– de xXx2. Ces trois têtes d’affiche, et leur parcours respectif, en disent long sur le public visé par un tel long-métrage.
- © 2017 Concorde Filmverleih GmbH
La seconde différence de taille avec un film comme Triple 9 vient de ses inspirations. Plutôt que de se réapproprier les codes classiques du film de braquage, et dont le parangon le plus récent est assurément le Heat de Michael Mann, Criminal Squad emprunte à une imagerie urbaine peu reluisante qui semble directement issue de GTA San Andreas mais surtout s’engouffre allègrement dans la zone de confort de son jeune public pour qui la nouvelle référence en la matière serait la saga Fast & Furious. On en sort d’ailleurs rassuré d’avoir été épargné par l’idiotie inhérente à la surenchère déraisonnée de cascades de voitures... et, paradoxalement, on regrette également qu’une ou deux course-poursuites spectaculaires n’aient pas assuré au film un petit peu plus d’adrénaline. C’est davantage l’écriture ultra-stéréotypée des personnages de gangsters qui apparaît comme directement recyclée de la franchise portée, depuis (déjà !) 17 ans, par Vin Diesel, et ce avec si peu de finesse que l’on se surprend à sourire en voyant le personnage de Pablo Schreiber qualifier son gang de « famille ».
Le véritable parti-pris de ce scénario est d’avoir tenté de prendre à contre-pied le manichéisme puéril que l’on reproche souvent à de tels polars carburant uniquement à la testostérone. Et pourtant, là aussi le manque de subtilité dans la caractérisation des personnages transforme cette soi-disant bonne idée en développement d’une accablante lourdeur. C’est ainsi que toute la première moitié du film (soit plus d’une heure) se résume à voir les flics et les braqueurs alterner les scènes dans lesquelles ils passent pour de plus en plus irrespectables. Voir ainsi ces gros durs rouler des mécaniques apparaît comme une apologie du virilisme, au sens le plus réducteur que puisse avoir ce terme, et leur interminable concours de « qui-c’est-qui-a-la-plus-grosse » à distance est finalement bien plus immature que le manichéisme qu’il est censé remplacer.
- © 2017 Concorde Filmverleih GmbH
Cette volonté de noyer dans l’œuf la moindre nuance entre gentils policiers et méchants hors-la-loi réussit ainsi à faire de chacun d’eux d’odieux misogynes antipathiques, tous amateurs de whisky et de femmes à la petite vertu. Il faudra attendre la fin de cette longue introduction outrancière pour retomber sur une structure plus convenue puisque la seconde moitié du film est consacrée à l’affrontement entre les deux parties en présence à l’occasion d’un braquage. Quand bien même celui-ci souffre d’un modus operandi aussi grossier que ceux qui l’accomplissent, le réalisateur parvient à y insuffler une tension qu’il s’efforce tant bien que mal de maintenir jusqu’au bout.
Malgré ses nombreux raccourcis scénaristiques et autres incohérences, cette seconde moitié, qui se construit au rythme des échanges de coups de feu, profite donc d’une certaine efficacité qui en viendrait presque à faire oublier aux amateurs d’action testostéronée l’image rétrograde que la caractérisation des personnages et le surjeu des acteurs peuvent donner d’un tel cinéma traditionnellement masculin. Il faut également attendre –et cette fois jusqu’à la scène finale– pour que le scénario parvienne enfin à nous prouver qu’il ne se limite pas à cette violence régressive dans laquelle il s’est complu jusque-là. Dommage qu’il faille être aussi patient pour y voir autre chose que cette image arriérée du mâle alpha, telle qu’on n’espérait plus la voir en 2018.
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