Traumatisé par la mort atroce de son père, l’absence de son frère adoré et l’indifférence cruelle de sa mère, le narrateur, alors jeune garçon, dépeint la souffrance de sa propre inconsistance. Dans un paysage suffocant de chaleur et de sécheresse, dans le vent brûlant qui s’engouffre par les fenêtres d’une trop belle demeure, l’enfant perçoit sa profonde transparence. Véritable nerf de ces lieux de désolation, une fillette capricieuse s’accapare le peu d’amour ambiant et persécute son jeune cousin. De fascination en humiliation, le duo se joue dans les aigus.

Subissant ce traitement d’isolement et de maltraitance morale, l’innocence se gâte, laissant la haine faire son travail. L’horreur arrive en une longue transition vers l’éloignement de l’enfance. Les sentiments âpres et amers fondent la violence de l’esprit mal aimé. L’écriture, splendide, atteint les méandres les plus sombres de l’âme humaine.

Chez l’auteur algérien, l’exilé au pseudonyme féminin, le relief de la noirceur mentale est proprement troublant. De cette métamorphose progressive, Yasmina Khadra dessine le basculement avec ardeur et grâce. Un livre de la tyrannie du silence et des aspérités intérieures muées en écorchures vives.