Les turpitudes de l’âme humaine
Le 20 septembre 2012
Une expérimentation psychologico-sociétale dont la pertinence ne flanche jamais. Une brillante réussite.
- Réalisateur : Craig Zobel
- Acteurs : Ann Dowd, Dreama Walker, Pat Healy
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 26 septembre 2012
- Festival : Festival de Deauville 2012
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Une expérimentation psychologico-sociétale dont la pertinence ne flanche jamais. Une brillante réussite.
L’argument : Lors d’une journée particulièrement chargée, Sandra, gérante d’un fast-food d’une banlieue de l’Ohio reçoit l’appel d’un policier accusant l’une de ses employées d’avoir volé un client. Le croyant sur parole, Sandra place Becky sous surveillance, entrant ainsi dans une situation qui va bientôt tous les dépasser.
Notre avis : Il est de ces affaires qui défraient la chronique et balaient les médias d’un doux vent de folie. Aux Etats-Unis, en 2004, un homme se faisant passer pour un membre des forces de l’ordre obtint de la gérante d’un fast-food la rétention d’une de ses employées. Celle-ci conduisit à une agression sexuelle. Attestant d’une maitrise magistrale de l’art de la manipulation à distance, la conversation téléphonique dont il est question dura plus de trois heures. Interpellé peu après cette affaire, il fut découvert que l’instigateur était à l’origine de plus de 70 appels dans 30 états différents, chacun d’entre eux plaçant son interlocuteur dans des situations des plus humiliantes.
"Inspiré de faits réels". Avant-propos pertinent, la mise en garde qui s’inscrit en lettres capitales sur l’écran dès le générique n’est pour une fois pas destinée à insuffler davantage de consistance à une réalisation qui en manquerait. Car si le scénario de Compliance est basé sur un fait divers réel, il n’en paraît pas moins invraisemblable.
La soumission complaisante des protagonistes à une autorité invisible semble aberrante. Or, elle n’est pas sans rappeler la célèbre expérience de Milgram, où il est demandé à certains sujets d’appliquer de fortes décharges électriques à des tiers pour de simples "raisons d’apprentissage". Le motif de l’expérience étant de mesurer le niveau d’obéissance à un ordre, même contraire à la morale de celui qui l’exécute, celle-ci aboutit à la conclusion qu’une majorité de personnes assume sans remords la fonction de "tortionnaire légitime".
Une façon de parler impersonnelle et impérieuse, la subordination à l’autorité de l’uniforme sont autant de facteurs qui aboutissent invariablement à la même exclamation de l’intéressé : "Ca n’est pas de ma faute, je n’ai fait qu’obéir aux ordres !" C’est d’ailleurs ainsi qu’à la fin du long-métrage, la gérante du fast-food ayant retenu, dénudé et maltraité la jeune employée se décharge de toutes responsabilités. Une justification des plus discutables, qui n’est pas sans rappeler les atrocités commises sous le IIIème Reich. S’il est clair que l’auteur du coup de téléphone est en proie à de graves soucis psychologiques, les intermédiaires qui ont porté atteinte à l’intégrité de la jeune fille sont-ils innocents pour autant ? Rien n’est moins sûr.
Compliance se tire avec les honneurs du défi que constitue le long-métrage, basé sur un unique coup de téléphone. Quasi huis clos, le long-métrage fait mouche grâce à son minimalisme visuel, son atmosphère oppressante et son choix d’acteur irréprochable. Dreama Walker est très juste dans son rôle d’employée soumise, Pat Healy se montre un satyre des plus crédibles et Ann Dowd est terrifiante dans son interprétation de gérante vulgaire et bornée. Il est presque impossible de détacher son regard de l’écran pendant la projection, le spectateur est aspiré dans une spirale de voyeurisme, espérant avec avidité le dénouement de cette intrigue malsaine.
Projeté dans trois des plus importants festivals de cinéma, Sundance, Locarno et Deauville, Compliance n’a pourtant pas fait l’unanimité. Lors de la diffusion du film, certains quittent la salle, d’autres attendent patiemment la fin pour s’insurger. Lorsque le long-métrage se termine, la salle est presque clouée à son siège de malaise. Et cela n’a rien d’étonnant. Compliance laisse le spectateur avec une seule question "Qu’aurai-je fait à leur place ?" et la sensation que la réponse ne serait pas aussi naturelle qu’elle devrait l’être. La preuve qu’il n’y a aucun sujet, même le plus douteux, que le cinéma ne puisse traiter avec brio.
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