Le 17 juin 2014
Autour d’Armida Miserere, directrice de prisons en Italie pendant vingt ans, un beau film engagé sur le combat contre "Cosa nostra" et une superbe histoire d’amour. Avec une comédienne exceptionnelle : Valeria Golino.
- Réalisateur : Marco Simon Puccioni
- Acteurs : Valeria Golino, Filippo Timi
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Durée : 1h52min
- Titre original : Come il vento
- Date de sortie : 18 juin 2014
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Autour d’Armida Miserere, directrice de prisons en Italie pendant vingt ans, un beau film engagé sur le combat contre "Cosa nostra" et une superbe histoire d’amour. Avec une comédienne exceptionnelle : Valeria Golino.
L’argument : Armida Miserere est l’une des premières femmes directrices de prison d’Italie. Régulièrement menacée de mort, elle n’a pas froid aux yeux et impose son autorité tout en s’appliquant à faire respecter les droits des détenus. À la fois forte et fragile, pugnace et sensible, elle rêve aussi d’une vie familiale sans histoire.
Sa vie bascule le jour où son compagnon se fait brutalement assassiner par la mafia. Désormais sans attache, elle accepte la direction de prisons parmi les plus dures d’Italie, sans jamais renoncer à sa quête de vérité et de justice.
© Bodega Films
Notre avis : « Si uccide la “dura” di Sulmona » pouvait-on lire à la une d’un journal italien à grand tirage le 20 avril 2003. Il s’agissait par ce titre d’interpeller le lecteur sur le suicide d’Armida Miserere, connue en Italie pour avoir été pendant une vingtaine d’années la directrice « dure » de prisons parmi les plus « difficiles » –la dernière fut celle de Salmona. Des établissements détenant bon nombre de terroristes des « brigades rouges » de la décennie précédente – et surtout des chefs mafieux et des repentis (« pentiti »).
Pourquoi ce suicide de la part d’une des premières femmes directrices de l’administration pénitentiaire, reconnue pour sa force, son intégrité et son intransigeance vis-à-vis de la corruption politique et judiciaire ? Les hypothèses furent nombreuses : des plus farfelues aux plus sensées.
Intrigué par cette question, le réalisateur Mario Simon Puccioni eut immédiatement envie de raconter l’histoire d’une femme d’exception. Il réussit dix ans plus tard, en réalisant Comme le vent, à nous émouvoir avec le portrait de cette héroïne méconnue de notre côté des Alpes.
S’inscrivant dans la tradition d’un cinéma italien politique et engagé, porté notamment par Francesco Rosi (L’Affaire Mattei, Main basse sur la ville…), Puccioni nous propose de partager quinze ans de la vie d’Armida Miserere dans le contexte des années 1980-2000, marquées tout particulièrement par la seconde guerre de la Mafia et les actions anti-mafia des autorités italiennes.
Nous suivons donc Valeria Golino, interprétant magnifiquement le rôle d’Armida Miserere, de prison en prison, de Parme à Salmona, en passant par Pianosa et Palerme.
Le film s’ouvre sur l’assassinat, en avril 1990, d’Umberto Mormile, compagnon de l’héroïne, homme engagé lui aussi en tant qu’éducateur œuvrant à la réinsertion des détenus à l’intérieur des prisons. Armida Miserere comprend, dans cette scène inaugurale que la Mafia est l’auteure de ce crime qui lui enlève l’homme qu’elle aime. Désormais elle décide de partir en croisade contre vents et marées au sein de l’administration pénitentiaire.
Armida Miserere prend ainsi une part importante dans « Mains propres » (« Mani pulite »), une opération d’envergure contre la Mafia et les politiques corrompus. On la voit mettre en œuvre, en vertu du décret « Falcone », aussi bien une détention humaine des prisonniers, qui doit tendre à leur rééducation, qu’un durcissement des conditions d’incarcération des membres d’une organisation mafieuse. Elle comprend combien l’Italie doit venir à bout de la corruption et de l’accointance de certains politiciens avec la Mafia, pour sortir d’une situation catastrophique qui a abouti à un éclatement de la classe politique – avec la disparition de grands partis comme la Démocratie chrétienne et le Parti socialiste et la chute de leurs dirigeants corrompus, Giulio Andreotti et Bettino Craxi. Cette opération « Mains propres » devait amener au pouvoir, en 1994, Silvio Berlusconi et son parti Forza Italia, qui, alliés à des partis d’extrême droite et certains chrétiens démocrates, réclamaient une « Italie propre ». On connaît la suite…
© Bodega Films
Dans ces mêmes années 1992-1993, la Mafia assassine de nombreux hommes politiques ainsi que les grands juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. C’est aussi en 1993 qu’est arrêté le « parrain des parrains », Toto’Riina, qui sera détenu dans la prison de Pianosa.
En serviteur exemplaire de l’État – « J’irai où personne ne veut aller » –, Armida Miserere prend alors la direction de Pianosa. Elle ira ainsi de prison « dure » en prison plus dure encore. Dans celle d’Ucciardonne de Palerme, elle devait subir de nombreuses pressions et menaces : « Tu vas crever, sale pute ! », reçoit-elle comme message... Ses chiens Léon et Luna sont tués sauvagement. Sa détermination reste inébranlable.
C’est cette détermination que souligne parfaitement Mario Simon Puccioni. Le réalisateur n’oublie pas de montrer aussi combien Armida Miserere n’avait pourtant jamais renoncé à sa féminité, à sa quête d’amour sensuel des hommes dans un environnement machiste et oppressant.
Le cinéaste ne donne pas d’explications à ce suicide et on lui en sait gré. La dernière séquence est à ce sujet absolument magnifique. En pleine procession du vendredi saint, à Salmona, Armida Miserere tient à s’excuser auprès des autorités de ne pas assister à cette cérémonie religieuse – remarquablement filmée par le réalisateur. Que veut-elle ? : « dormir ».
Alors qu’on entend un feu d’artifice, la « dure », « la bête femelle », celle qui suscitait la peur mais aussi le respect, se tire, à 47 ans, une balle dans la tête. Elle a auparavant étalé sur son lit les photos de son Umberto et laissé une lettre. Elle a souhaité que ses cendres s’envolent « comme le vent ».
Le film doit beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Valeria Golino. La comédienne exprime avec une subtilité rare toutes les facettes d’une femme complexe, soucieuse de tout faire avec certitude dans une grande force et une parfaite éthique, tout en demeurant un être très sensible. Valeria Golino a trouvé en Filippo Timi, qui joue le rôle d’Umberto, un partenaire de choix.
Dans un style simple et sobre et avec une grande maîtrise de la caméra, Mario Simon Puccioni réussit à nous faire entrer pleinement à fois dans un film engagé et dans une belle histoire d’amour.
© Bodega Films
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