Le 16 octobre 2022
- Dessinateur : Alex W. Inker
- Genre : Chronique sociale, Société, Polar
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 7 septembre 2022
Après Un travail comme un autre (2020) et Fourmies la rouge (2021), Alex W. Inker livre un nouvel album à forte coloration sociale qui s’aventure, cette fois, du côté du polar.
Résumé : Au milieu des années 1990, une bande de lycéens au style de skaters s’occupe tant bien que mal dans une petite ville du Colorado en proie à la déprise économique depuis la fermeture des mines qui faisaient naguère sa prospérité. Michael, son amie Suzy au physique androgyne et Don, le balourd qui se fait régulièrement harceler par une bande de petits délinquants, traînent dans les rues ou dans les endroits désaffectés parfois par ennui, parfois pour fuir une famille dysfonctionnelle. Ces trois compères font la rencontre de Durham, un enfant SDF aux mille combines et accroc à la drogue, qui leur donne goût à l’aventure. Ce quotidien se trouve soudainement bouleversé par la découverte macabre du cadavre d’un gamin de la ville, dont le corps est à moitié dévoré. La petite bande se décide à mener l’enquête… mais sont-ils prêts à affronter un tel tueur ?
Critique : Colorado Train est l’adaptation éponyme du premier roman de Thibault Vermot, également publié chez Sarbacane. Inker fait le choix de transposer l’intrigue du roman – qui se déroule dans les années 1940 – aux années 1990, ce qui permet au dessinateur d’ancrer son récit dans la culture populaire (avec Converse, baladeurs, posters de Nirvana...) de son époque et d’explorer les conséquences sociales de la désindustrialisation dans l’Amérique profonde. Inker découpe son récit en vingt courts chapitres – sans compter un twist final – dont le titre est un titre de chanson rock ou métal à cette de cette époque. Sont notamment cités Metallica, Manson, Deftones, Wheezer… Accompagné de décors et de looks soigneusement travaillés, cette playlist contribue puissamment à ancrer le récit dans une époque pas si lointaine mais bien révolue : la révolution internet n’a pas encore touché nos sociétés, l’économie extractiviste est en crise et la guerre du Vietnam est encore un souvenir vivace pour les hommes…
- Alex W. Inker – Sarbacane
Alex W. Inker nous a habitué à donner à ses œuvres une forte coloration sociale. Colorado Train n’échappe à cette caractéristique, avec le portrait très fin d’adolescents livrés à eux-mêmes dans l’Amérique profonde : entre violences conjugales, pauvreté et alcoolisme, le monde adulte a échoué à prendre en charge sa jeunesse. L’artiste fait en sorte qu’on s’attache à ces personnages en leur donnant une vraie profondeur, un attachement que vient renforcer un dessin expressif et riche en détails.
- Alex W. Inker – Sarbacane
En revanche, Inker investit un genre qu’il n’avait jusque là pas exploré : le polar teinté d’horreur. La découverte du corps dévoré d’un adolescent constitue le fil rouge d’une histoire qui met en scène un tueur – ou plutôt devrait-on dire un monstre – on ne peut plus inquiétant. En cherchant à le confondre, la petite bande prend le risque d’attirer l’attention du criminel… Un sentiment d’angoisse diffus remplit progressivement les personnages et les planches du récit. Inker excelle dans la mise en scène morbide et dans les effets de contraste permis par le noir et blanc.
- Alex W. Inker – Sarbacane
Le pari d’Inker est brillamment réussi. Le scénario, finement ciselé, nous tient en haleine jusqu’à la dernière planche – et peut-être même encore après… – et l’album continue de nous interroger après la fermeture du livre. Un livre brillant, récompensé à juste titre par le Prix Coup de Cœur lors du dernier festival Quai des Bulles de Saint-Malo.
240 pages – 29 €
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