Coffret Charlie Hebdo - Un dyptique inégal, essentiel ou superficiel

A l’occasion de la sortie en DVD du documentaire L’humour à mort, Pyramide Video édite un coffret réunissant l’hommage aux victimes des attentats de janvier, accompagné d’un autre documentaire de Daniel Leconte, C’est dur d’être aimé par des cons. Malgré un traitement sans prise de risque, quelques moments de grâce émergent.

Le coffret : C’est en revoyant C’est dur d’être aimé par des cons, qui retrace le déroulement du procès intenté contre Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures de Mahomet en 2008, que l’on mesure le caractère tristement prémonitoire du documentaire de Daniel Leconte. A voir bien au-delà de l’image, cette oeuvre jugée trop partisane par notre rédaction lors de sa sortie impose d’être redécouverte à l’aune des événements tragiques. On rit jaune et on juge moins. L’hagiographie sonne soudain plus juste et méritée. Quelques interventions annoncent d’ailleurs la sombre couleur à venir. Philippe Val (directeur de la publication de Charlie Hebdo à l’époque) face à Nicolas Poincaré, alors journaliste à RTL. "On (ceux qui intentent le procès, ndlr) a du penser qu’on pouvait assassiner Charlie Hebdo". Réponse de Poincaré. "Enfin, vous risquez pas la mort, vous risquez 22 000 euros d’amendes".
Autres morceaux choisis, les mots d’Elisabeth Badinter à propos des dessinateurs : "Pour moi ce sont des héros. Ils savent tous ce qui peut arriver. Il peut arriver malheur". Le malheur est arrivé.
Regarder C’est dur d’être aimé par des cons, c’est alors conjurer brièvement le sort et se réjouir du calme avant la tempête. Les meilleurs moments, les plus rafraîchissants, sont ceux où l’on voit la troupe des zozos de Charlie Hebdo au travail. Comment, en quelques coups de crayons et un esprit blagueur se créé un dessin qui soulèvera l’ire des intolérants.

Film en Stock ©

Plus contestable, L’humour à mort déçoit lorsqu’il s’attache à détailler minute par minute le déroulement de la fusillade à Charlie Hebdo. Comme si tout n’avait pas déjà été dit, comme s’il fallait, encore, excuser la dessinatrice Coco d’avoir "ouvert la porte" aux terroristes. Justifier ce qu’il n’y a pas à justifier. Elle est touchante Coco. On espère pour elle que raconter la tragédie a fait figure de catharsis. Nous, on se sent un peu voyeur quand coulent ses larmes. Le documentaire avance cahin-caha, schizophrène, et hésite entre le reportage à la Envoyé Special et un hommage plus à l’image des dessinateurs impertinents et rigolards qu’étaient Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, Honoré. Il aurait fallu trancher, choisir son sujet. Reléguer à la portion congrue les victimes de l’hyper-cacher ou la policière assassinée, ce n’est pas leur rendre justice. Appeler spécifiquement les musulmans à dénoncer les crimes et compartimenter de fait les citoyens est au mieux maladroit. Douteux ? On évitera le procès d’intention pour parler, plutôt, d’une maladresse. Au spectateur de juger de son importance.

Les suppléments :

L’humour à mort n’est pas aidé par des suppléments rachitiques. Le débat annoncé n’en est pas un. C’est dur d’être aimé par des cons rattrape encore une fois la médiocrité de son petit frère. Les témoignages en supplément sont intéressants, et la petite vidéo qui montre la création de l’affiche du film permet de montrer que Philippe Val aussi a de l’humour. Quand au "débat" au cinéma Le Méliès, on aurait bien aimé entendre les questions pour mieux évaluer la pertinence des réponses...

L’image :

Daniel Leconte n’est pas Emmanuel Lubezki et ce n’est pas ce qu’on lui demande. L’image est là, lisible. C’est tout ce qu’on lui demande.

Le son :

Daniel Leconte n’a pas obtenu le label THX et ce n’est pas ce qu’on lui demande. Que certains propos des intervenants soient inaudibles, par contre... Un petit peu plus de travail en post-production n’aurait pas fait de mal.