Le 16 juillet 2018
Quatre poèmes cinématographiques, odes puissantes à des peuples oubliés, qui cheminent entre documentaire et fiction avec art. Malgré la quasi-absence de bonus, ce coffret est indispensable aux amateurs de chemins de traverse et aux curieux de tout poil.
- Réalisateurs : Anastasia Lapsui - Markku Lehmuskallio
- Genre : Comédie dramatique, Documentaire
- Nationalité : Finlandais
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
L'a vu
Veut le voir
– Sortie du coffret DVD : le 2 mai 2018
Le coffret : Sept chants de la toundra (2001, 1h26mn) est le premier long métrage en langue autochtone nenets ; introduite par une mélopée, chaque histoire indépendante raconte la vie difficile de ce peuple dans les étendues glacées et les tipis, difficulté aggravée par l’oppression soviétique qui touche également enfants (école obligatoire) et adultes (plans à respecter, confiscations, interdiction de manger devant la statue de Lénine), même s’ils sont russes exilés. À travers un rythme lent, ces déplorations presque sereines font vivre un monde âpre de l’intérieur, les acteurs jouant leur propre rôle ; et pourtant de cette rigueur naît une beauté sobre, que ce soit par les paysages, les gros plans ou par l’apparente simplicité des compositions comme des intrigues. Cependant cette beauté ne saurait cacher que la société décrite vit dans le danger permanent, la menace sourde pouvant venir d’un choix (ne pas épouser son promis, ne pas donner son bétail) ou d’une irruption de règles arbitraires et contraires aux valeurs traditionnelles. Et au fond c’est le cœur lourd qu’on suit ces contes superbes que quelques séquences joyeuses et la berceuse finale n’empêchent pas d’être très sombres.
Fata Morgana (2004, 57mn) résonne comme le poème funéraire d’un peuple, les Tchouktches, les habitants les plus orientaux d’Asie : il mêle leurs légendes et mythes, à travers des images d’archives et des séquences d’animation naïve, et leur histoire depuis que l’URSS a programmé leur disparition (« nouvelles lois », apprentissage forcé du russe, changement de prénoms). Par le montage, les cinéastes ne cessent d’opposer les deux modes de vie et les témoignages féminins, qu’ils soient nostalgiques ou combatifs, nourrissent d’une pâte humaine bienvenue ce qui pourrait paraître un peu théorique. Lent, parfois somptueux, ce documentaire nécessaire a la beauté sobre d’un peuple qui a deux beaux moments dans sa vie, la naissance d’un enfant et la mort. Précisons qu’une « fata morgana » est un mirage optique qui se forme à l’horizon marin : dans le film, des femmes regardent la mer derrière laquelle, invisible, il y a leur terre d’origine. Elles ne le voient pas, mais il existe, en elles et au-delà de leur champ visuel. Magnifique.
Retour chez les Nenets avec Nedarma, le voyage perpétuel (2007, 1h18mn), le moins narratif, le plus étrange, le plus beau aussi à notre sens des quatre métrages du coffret : en alternant récits mythiques et vie quotidienne, les réalisateurs épurent encore leur cinéma pour parvenir, par un savant noir et blanc troué de quelques taches de couleur naïves et un montage soigné, à un effet hypnotique que la musique omniprésente renforce encore. Là aussi, on peut parler sans exagérer de poésie tant l’ensemble est harmonieux, dans le détail de séquences époustouflantes de beauté comme dans le tout, impeccable de rigueur. Une élégie majeure qui transcende la vie quotidienne et la donne à voir, sans fioritures ni explications, sans rien cacher de sa dureté ni de sa noblesse.
Enfin, pour un dernier tour chez les Nenets, Neko, dernière de la lignée (2009, 1h23mn) revient dans une narration (un peu) plus classique sur les effets de la russification de ce peuple à travers un parcours singulier.
Les suppléments :
0 De bien pauvres bandes-annonces de la collection.
L’image :
Même sans compter les images d’archives, on est loin d’une définition hors pair. La qualité de l’image est évidemment variable selon les films et les sources, mais elle reste en-deçà de nos attentes actuelles. Rien cependant de honteux, et rien qui parvienne à gâcher la joie de découvrir pareils joyaux.
Le son :
Là encore il faut oublier nos exigences habituelles pour se réjouir d’un son de bonne tenue, qui fait la part belle aux voix et à ces langues totalement étrangères à nos oreilles. Pas de VF.
- (C) Editions Montparnasse
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.