Le 24 mai 2023


- Scénariste : Scott Snyder>
- Dessinateur : Francis Manapul
- Collection : Contrebande
- Genre : Science-Fiction, Anticipation, Polar
- Editeur : Delcourt
- Famille : Comics
- Date de sortie : 29 mars 2023
Une nouvelle graphique d’anticipation glaciale et avec filtre ajouté.
Résumé : Dans un futur proche où les yeux sont désormais voilés par des filtres permanents, le détective Sam Dune voit le suicide de son ex-femme comme une affaire à élucider, qui pourrait avoir des répercussions pour toute la société...
Critique : Philip K. Dick a placé un jalon avec ses Moutons électriques, Blade Runner s’imposant comme le jalon parfait entre polar et science-fiction, ou plutôt anticipation si l’on considère avant tout la peinture d’un monde futuriste avant l’importance des robots réplicants. L’auteur a ouvert la voie, et évidemment, lorsque l’on voit débarquer un ancien flic, détective privé, sur une enquête qui sent l’enjeu sociétal, on ne peut que souligner la filiation que Scott Snyder a voulu avoir. Pourtant, deux éléments permettent de différencier et d’entrevoir le potentiel de Clear. D’une part, le scénario est en vérité plus complexe que celui de son aïeul : avec son monde entièrement recouvert par les filtres qui ont infiltré les yeux et la réalité même, le futur de Clear est franchement cynique et glaçant car bien plus à même de se réaliser que des androïdes aux allures d’humains. L’enquête évolue d’ailleurs sur et sous différentes sphères, des renégats aux plus influents, tandis que le background du héros est aussi dur qu’un poignard dans le coeur, d’autant que son deuil semble éternel dans l’oeuvre, signe d’une profondeur insoupçonnée en ne voyant que la couverture.
© Delcourt / Manapul
D’autre part, le dessin cherche lui aussi à s’émanciper de l’oeuvre fondatrice. En utilisant les filtres, les enchaînements graphiques paraissent infinis et le sont d’ailleurs par moments, quand les cases sont griffées de plusieurs réalités numériques venues se greffer sur un œil ou plusieurs yeux en même temps. On se dit qu’il va falloir se méfier de chaque planche, mais très vite le procédé s’estompe pour ne pas se gâter, et fait place à un réalité plus triste, plus maussade, sans être celle d’un Los Angeles aux néons de couleur et à la pluie lente, c’est une falaise sombre, une villa pleine d’ombres, jusqu’à une tour de serveurs isolée et elle aussi comme entourée de ténèbres. Les couleurs, fluorescentes par instant, sont comme absorbées par le noir, le vide aussi, et lorsqu’elles cherchent à refaire surface, c’est qu’un élément important se déroule, action ou souvenir, parfois les deux.
© Delcourt / Manapul
Polar d’anticipation réussi, Clear offre une vision assez effrayante d’un futur de l’humanité mais une enquête haletante dans les méandres d’une cité et d’une mémoire.
160 pages — 16,95 €