Le fourgon infernal
Le 1er septembre 2016
Percutant et efficace, d’un suspense haletant, ce huis-clos frappe par sa réussite technique et son courage politique.
- Réalisateur : Mohamed Diab
- Acteurs : Nelly Karim, Hani Adel, Ahmed Malek, May Elghety, El Sebaii Mohamed
- Genre : Drame
- Nationalité : Égyptien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Eshtebak
- Date de sortie : 14 septembre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Le Caire, été 2013, deux ans après la révolution égyptienne. Au lendemain de la destitution du président islamiste Morsi, un jour de violentes émeutes, des dizaines de manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes sont embarqués dans un fourgon de police. Sauront-ils surmonter leurs différences pour s’en sortir ?
Notre avis : Mohamed Diab reprend avec ce film la même démarche initiée dans Les Femmes du bus 678 (2010), qui suivait un groupe de femmes harcelées dans les transports publics. Le procédé est ici plus radical puisque le huis clos du fourgon est permanent, les seules « aérations » étant une manifestation filmée en prologue ainsi que, au cours de l’histoire, une série de contrechamps sur les alentours. L’intérêt de Clash est de combiner une approche théâtrale avec un souci documentaire de reconstitution, le scénario étant tiré de faits réels. En même temps, la tension suscitée par l’argument narratif aboutit à un suspense efficace qui n’est pas sans rappeler Lifeboat d’Alfred Hitchcock (1944), récit des discordes entre des naufragés sur un canot de sauvetage. La seule difficulté pour le spectateur sera de s’y retrouver parmi les multiples différends qui opposent les personnages, mais cela se retourne à l’avantage du film, habile à mettre en valeur l’absurdité et la confusion des guerres civiles, par essence fratricides. Les personnages qui se débattent sous nos yeux semblent a priori représentatifs d’une société égyptienne plurielle et en mutation : journalistes suspectés d’être à la solde de l’Occident, classe moyenne opposée aux Frères musulmans, SDF dépolitisés subissant les dégâts collatéraux, religieux sans histoire victimes de l’amalgame avec les intégristes, fondamentalistes virulents.
Copyright Pyramide Distribution
Pourtant, le cinéaste se défend d’avoir choisi un panel sociologique même s’il a pensé à des personnes qu’il connaissait, Égyptiens lambda. Sa thématique est par contre plus ouvertement politique, avec une volonté de comprendre les interactions entre montée de la violence et poussée de l’extrémisme. Et si chacun campe sur ses positions, les antagonismes s’amenuisent lorsqu’il s’agit de solidarité féminine ou de secours à un vieillard épuisé. Au-delà de la capacité du réalisateur à caractériser puis nuancer les motivations des protagonistes, Clash frappe par la virtuosité de ses scènes d’action et la prouesse technique qui a consisté à installer une caméra dans un cadre aussi réduit. L’œuvre a d’ailleurs fait l’objet d’un travail de titan en amont : « C’était un film techniquement difficile à faire. Un an avant le tournage, on a construit une réplique du fourgon en bois qu’on a installée dans un appartement. On y a répété plusieurs mois, avec les acteurs, qui nous ont aidés à peaufiner les personnages. On a commencé à improviser et l’écriture s’est affinée peu à peu. Et puis on a filmé ces répétitions : c’était comme tourner le film une première fois, ça nous a donné une sorte de story-board live », a déclaré Mohamed Diab. Le résultat est convaincant, même si la mécanique semble s’enliser dans le dernier quart d’heure, plutôt tape-à-l’œil et d’une maladresse qui contraste avec l’ensemble du film. Clash n’en demeure pas moins un témoignage politique précieux et une proposition de cinéma séduisante.
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