Le 7 août 2019
Et si l’Histoire s’inversait ? Et si les conquistadors avaient échoué face aux autochtones ? Laurent Binet livre un récit uchronique d’une grande complexité et d’une vive intelligence.
- Auteur : Laurent Binet
- Editeur : Grasset
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 14 août 2019
- Festival : Rentrée littéraire 2019
L'a lu
Veut le lire
Résumé : "Vers l’an mille : la fille d’Erik le Rouge met cap au sud. 1492 : Colomb ne découvre pas l’Amérique. 1531 : les Incas envahissent l’Europe. À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ? Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l’histoire du monde est à refaire. Civilizations est le roman de cette hypothèse : Atahualpa débarque dans l’Europe de Charles Quint. Pour y trouver quoi ? L’Inquisition espagnole, la Réforme de Luther, le capitalisme naissant. Le prodige de l’imprimerie, et ses feuilles qui parlent. Des monarchies exténuées par leurs guerres sans fin, sous la menace constante des Turcs. Une mer infestée de pirates. Un continent déchiré par les querelles religieuses et dynastiques. Mais surtout, des populations brimées, affamées, au bord du soulèvement, juifs de Tolède, maures de Grenade, paysans allemands : des alliés. De Cuzco à Aix-la-Chapelle, et jusqu’à la bataille de Lépante, voici le récit de la mondialisation renversée, telle qu’au fond, il s’en fallut d’un rien pour qu’elle l’emporte, et devienne réalité".
Notre avis : Laurent Binet réécrit l’Histoire à l’envers. Dans la première partie, les Groenlandais envahissent plusieurs îles latino-américaines, juste le temps de propager leurs croyances et des germes qui sont fatals à la majorité des locaux. Les populations se mêlent, un peu, et cela crée une nouvelle culture. Dans la seconde, l’auteur imagine un journal qui serait celui de Christophe Colomb, débarquant à Cuba où il est finalement fait prisonnier par les autochtones – qui célèbrent toujours Thor. Il ne sert qu’à amuser la galerie et à apprendre le castillan à Higuénamota, la fille de la reine. Dans le troisième segment de l’histoire, Laurent Binet s’attarde sur les Incas, sur l’empereur Atahualpa et son conflit avec son demi-frère, qui le mène à larguer les amarres vers Tolède, en Espagne, accompagné par Higuénamota, son amante et interprète. Enfin, dans la quatrième et dernière partie, c’est Cervantès, le célèbre écrivain, qui devient protagoniste. L’auteur lui fait côtoyer Domínikos Theotokópoulos, plus connu sous le nom de El Greco, lors de ses périples incroyables (mais vrais, cette fois), et imagine des conversations entre les deux artistes espagnols majeurs de l’époque. Ils échangeront également avec Montaigne sur des sujets variés, sur l’Humanisme et la foi notamment.
Ce sont les pages sur Atahualpa qui sont les plus travaillées, les plus intéressantes. Les autres viennent seulement les introduire, puis les compléter. Elles servent uniquement à étoffer cette partie construite et très élaborée. L’empereur inca finit en effet par fuir vers le « nouveau monde » (l’Espagne) : la situation est à rebours de celle que configure notre siècle de découvertes. Il va ensuite prendre la place de Charles Quint, les familles incas se mêlant sans mal aux dynasties qui ont réellement existé et qui régnaient réellement sur l’Europe et l’Orient à l’époque. Il est question de François Ier, des Médicis, des Hasbourg, de Soliman.
Le problème de ce genre de romans, c’est que, généralement, on ne parvient pas à démêler le vrai du faux. Ce n’est pas le cas ici, à condition bien sûr d’avoir quelques connaissances. Des pans entiers de l’Histoire sont travestis, forcément – on se doute bien qu’aucun Habsbourg n’a épousé un Inca par exemple –, mais si certains événements, certaines alliances et certains mariages resteront logiquement tus, d’autres sont analysés du point de vue des étrangers, d’un point de vue neutre et donc profane et ignorant – le ton employé, très didactique à certains moments, finira d’ailleurs par nous lasser. Laurent Binet ausculte les conflits religieux, les guerres de pouvoirs entre les différentes familles, les intrigues d’Henri VIII qui veut se marier, racontant son histoire sans jamais trop s’éloigner du contexte.
Malgré tout, c’est une lecture exigeante, qui demande de bonnes bases historiques, de la réflexion. Chaque partie est longue à se mettre en place, les personnages sont nombreux, les noms complexes, et c’est pour cette raison que le troisième segment est le meilleur : nous avons le temps de nous accoutumer à ces héros de nos livres d’histoire et à leurs pensées, à leurs réflexions et à leur manière de fonctionner. Certains passages sont beaucoup trop longs et on avouera avoir fait l’economie de quelques pages.
Toutefois, l’idée de base est géniale et le travail accompli par l’auteur est phénoménal : il a tout simplement réécrit l’Histoire. Très documenté, précis, détaillé, le roman nous en apprend énormément, mais ce n’est pas une lecture à envisager, si votre esprit a tendance à vagabonder.
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.