Le 6 décembre 2023
Chien de casse réinvente enfin le cinéma français grâce à un récit sensible et poignant, planté dans la vraie vie, où les archétypes narratifs en prennent pour leur grade. Une première œuvre stupéfiante.
- Réalisateur : Jean-Baptiste Durand
- Acteurs : Dominique Reymond, Bernard Blancan, Galatéa Bellugi, Anthony Bajon, Raphaël Quenard
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Bac Films
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h33mn
- Date télé : 21 février 2024 21:00
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 19 avril 2023
- Festival : Premiers Plans d’Angers
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– Sortie DVD : 5 septembre 2023
Résumé : Dog et Mirales sont amis d’enfance. Ils vivent dans un petit village du sud de la France et passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog plus que de raison. Leur amitié va être mise à mal par l’arrivée au village d’une jeune fille, Elsa, avec laquelle Dog va vivre une histoire d’amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir, et trouver sa place.
Critique : Jean-Baptiste Durand est un cinéaste militant comme on n’en rencontre plus. Depuis des années, il cultive son art avec détermination, jusqu’à l’éclosion de ce premier long métrage remarquable, Chien de la casse, que l’écriture et le goût des images subliment véritablement. C’est une histoire apparemment simple, dans un village du sud de la France, Le Pouget exactement, mettant en scène deux jeunes adultes, étreints par une amitié intense, voire ravageuse, que l’irruption d’une jeune fille venue de Rennes va mettre à mal. En fait, le film raconte le mal des communautés rurales dont l’ennui, l’absence de perspectives, précipitent les jeunesses dans la consommation de drogues ou la dépression. Mais le long-métrage ne se veut pas misérabiliste. Il met en scène deux garçons qui se connaissent depuis longtemps, aussi opposés qu’ils sont liés d’une profonde amitié.
- Copyright Camille Sonally
Chien de la casse est un film d’acteurs. Il met dos à dos trois jeunes figures du cinéma français : Anthony Bajon, Raphaël Quenard et Galatéa Bellugi. Force est de constater que les comédiens s’approprient leur rôle avec une main de maître. Quenard interprète un grand gaillard très bavard, plus intelligent et cultivé qu’il n’en paraît, mais qui semble dépérir dans la médiocrité de son existence. Il entretient avec celui qu’il appelle Dog une amitié ambiguë, très proche de l’amour, tout en l’humiliant régulièrement devant leur groupe d’amis. Anthony Bajon se glisse dans la peau d’un jeune homme éteint, secret, naïf presque, qui absorbe sans répondre les moqueries et les remises en cause. Même les personnages secondaires sont absolument travaillés et bien menés. Tous ensemble témoignent des existences silencieuses dans les villages français dont la presse ne parle jamais et qui recèlent en eux des miracles de résilience.
- Copyright Camille Sonally
Jean-Baptiste Durand ne sait pas que conduire ses acteurs. Il sait appréhender la beauté des paysages, et le rythme des villes. Le Pouget semble à la fois un joyau occitan avec ses ruelles incurvées, ses bâtisses immenses en pierres taillées, et un enclos de pauvreté et d’ennui. La jeunesse voudrait bien se réaliser mais l’argent ou la volonté manquent. Mirales déclame des passages de l’œuvre de Montaigne, use d’un langage aussi vulgaire que littéraire, comme pour habiller le temps qui se fait long dans le village, et la difficulté pour lui et ses amis de se trouver une place. Mais ne nous trompons pas. Chien de la casse n’est pas un film social. C’est un long-métrage sur la matière profonde de l’homme, un combat d’amour et de désespérance.
- Copyright Camille Sonally
Chien de la casse est déjà la promesse d’une carrière cinématographique qui sera importante. Jean-Baptiste Durand affirme un regard, une sincérité terrienne, un goût des gens simples qui continueront d’illuminer les écrans français.
Laurent Cambon
Le test DVD
Les suppléments
Deux courts métrages sont proposés par Blaq Out
« Il venait de Roumanie » de Jean-Baptiste Durand (2014, 22mn). Ce court métrage annonce l’univers de Chien de la casse. Deux jeunes hommes évoquent le lien qui les unissait à un troisième pote, décédé il y a plusieurs années. Travail de deuil, mais aussi évocation des sentiments de domination en amitié, avec une ambiguïté dans la psychologie des personnages. Le film est porté par deux ex-espoirs du cinéma français, désormais trop rares sur les écrans : Johan Libéreau (Les témoins) et Damien Jouillereau (Les fautes d’orthographe). À leurs côtés, Dominique Reymond compose une touchante figure maternelle.
« L’Acteur (ou La surprenante vertu de l’incompréhension) » de Raphaël Quenard et Hugo David (2023, 25mn). Ce faux making of, au second degré pertinent mais déconcertant, est axé sur le ressenti du réalisateur pendant le tournage, mais aussi sur la méthode du débutant Raphaël Quenard. L’acteur est convaincant dans ses propos mais irritant dans sa propension à appliquer un peu trop son petit Pacino illustré, lui qui pourtant prône la sobriété de jeu.
Entretien avec Jean-Baptiste Durand (23mn)
Le réalisateur précise clairement ses intentions dans un entretien avec Pierre Commarmond. Il a souhaité décrire le quotidien de la jeunesse de village, dans une région qu’il connaît bien. Tout en cherchant à dresser le portrait nuancé d’un jeune homme, toxique au premier abord, mais plus humain qu’il n’en a l’air. Le cinéaste déclare notamment que le scénario et les dialogues, préparés depuis plusieurs années, ont été légèrement modifiés suite à la demande d’improvisation des acteurs, dont l’histrionique et volubile Raphaël Quenard. De l’influence de Bruno Dumont (les villages vidés de leurs habitants sur le tournage) à la volonté de privilégier une démarche artistique à une approche documentaire (le refus d’acteurs non professionnels), l’art de Jean-Baptiste Durand semble concilier plusieurs tendances du cinéma français.
L’image
Formé aux Beaux-Arts de Montpellier, Jean-Baptiste Durand a été influencé par la peinture et le dessin. Chien de la casse accorde une importance à la dimension plastique, ce que l’on constate aussi dans le support vidéo, le DVD faisant honneur au travail du directeur de la photo Benoît Jaoul. On apprécie en particulier la luminosité dans les plans concernant les paysages de campagne, qui donnent une tonalité westernienne au long métrage.
Le son
Le film, en langue française, peut être visionné avec audio-description. Des sous-titres pour sourds et malentendants sont disponibles. On regrettera la diction parfois peu audible de certains acteurs (défaut inhérent au cinéma contemporain) mais le DVD ne comporte aucune scorie technique.
Gérard Crespo
Galerie Photos
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