Le 27 mai 2021
Une impressionnante fictionnalisation de la catastrophe de Tchernobyl, pleine d’humanité et brillante de rigueur scénaristique.
- Réalisateur : Johan Renck
- Acteurs : Emily Watson, Stellan Skarsgård, Jared Harris, Jessie Buckley
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain, Britannique, Allemand
- Date télé : 3 juin 2021 21:05
- Chaîne : M6
- Date de sortie : 6 mai 2019
L'a vu
Veulent la voir
Résumé : 26 avril 1986, l’histoire vraie de la pire catastrophe causée par l’homme et de ceux qui ont sacrifié leur vie pour sauver l’Europe du drame. L’explosion d’un réacteur à la centrale nucléaire de Chernobyl, en Ukraine, a de terribles conséquences aussi bien sur le personnel de l’usine, que sur les équipes de secours, la population et l’environnement.
- Copyright : HBO
Critique : Au fond, est-ce qu’on s’en foutrait pas un peu que la fiction ait été tournée en langue anglaise ? Dans le cas de Chernobyl, s’attarder sur cet élément de production revient à réduire le résultat à bien peu de choses. Si les Russes avaient pu produire une œuvre semblable, alors ils l’auraient fait (et de toute évidence, ils vont le faire). On ne peut critiquer Chernobyl parce qu’elle a été réalisée en langue anglaise, langue des pays de production de la série et moyen de s’assurer qu’elle sera vue par le plus grand nombre (aucun mal à le vouloir). La Russie n’a pas le regard auto-réflexif pour se plonger dans sa propre histoire douloureuse. Alors, c’est son ancien (?) grand ennemi qui l’a fait, ainsi que la Grande-Bretagne.
Cela ne constitue en rien un reproche à l’encontre du pays dirigé par Poutine – après tout on pourrait en dire autant de la France ou encore des États-Unis -, mais plutôt un constat, corroboré par les récentes réactions de l’État russe sur cette série. Il est toujours plus aisé d’aller critiquer le voisin, plutôt que de regarder de quoi notre propre pays est fait. Finalement Chernobyl interroge à ce propos et remet inconsciemment en question cette notion d’ordre moral. Même si elle n’est jamais à proprement moralisatrice, une ombre plane au-dessus de cette production ; une ombre purement occidentale, un regard qui n’hésite pas à juger les fautifs et à pointer du doigt la bureaucratie soviétique. Heureusement, Chernobyl se garde bien de déverser une idéologie propagandiste anti-communiste (et anti-russe) - bien que l’URSS en prenne pour son grade -, et s’attaque à son sujet avec universalité, afin de mieux souligner la puissance d’un aveuglement étatique.
- Copyright : HBO
En seulement cinq épisodes, cette œuvre relate l’avant, le pendant et l’après de la tragique catastrophe, en se penchant à la fois sur la question humaine, écologique, politique, militaire et judiciaire. Tout ce qu’entreprend Chernobyl suscite le plus grand des intérêts. La série commence comme un film catastrophe asphyxiant et se termine comme un réquisitoire sur le mensonge politique. Entre les deux, elle jongle entre de multiples genres, le film catastrophe comme on l’a dit, mais aussi le drame, le thriller ou encore la fiction politique, le tout avec une homogénéité déstabilisante, tant elle n’expose aucune faille. Son écriture béton et sa recherche de la véracité permanente (et du ton réaliste) rappellent les réalisations de Kathryn Bigelow et de Mark Boal, soucieuses du détail et de délivrer le fruit, sans aucun pesticide, d’une documentation conséquente. Le travail de vulgarisation impressionne, notamment par la présence d’Ulana Khomyuk, personnage synthèse des nombreux scientifiques ayant levé la voix contre les agissements de l’État soviétique vis-à-vis de l’accident nucléaire. Ce protagoniste est à l’image du reste de l’écriture, si crédible et constant que la fiction nous retient constamment dans l’immersion. Cela pourrait être dangereux si Chernobyl s’amusait à nous raconter des sottises, mais différents avis bien renseignés de la catastrophe (soit parce qu’ils l’ont vécue, soit parce qu’ils l’ont étudiée, soit les deux), portent à croire que l’on peut se fier à ce que l’on nous raconte.
- Copyright : HBO
Bien évidemment, comme toute production artistique, Chernobyl, quoiqu’elle adopte une vision omnisciente la plus complète et objective possible (c’est en tout cas ce qu’elle revendique), repose sur un point de vue qui est le sien. Ce dernier peut être difficile à distinguer, tant la mini-série multiplie les angles d’attaque de son sujet, mais malgré tout, dans cette visualisation globale de l’événement et ses conséquences, elle parvient à garder le même référentiel : l’humain. Qu’elle montre l’action militaire pour enrayer la propagation de la contamination, une femme désirant retrouver son mari pompier ou un scientifique tentant d’éviter l’entrée en fusion d’un réacteur, la série relate les faits à échelle humaine, sans jamais s’élever vers une conscience plus divine et détachée. C’est sur une contradiction que le ton de Chernobyl repose. D’un côté, l’œuvre, dans sa volonté de réalisme à tout prix, va revendiquer sa méthodicité implacable et sa froideur esthétique, mais de l’autre elle ne va cesser de susciter l’émotion du spectateur, parfois paradoxalement, grâce au caractère clinique de certaines séquences. Les énoncés de Valeri Legassov réunissent ce double jeu harmonieux, toujours abondants de données terrifiantes ; terrifiantes parce que prononcées sans sur-dramatisation. Devant une telle catastrophe, seuls les faits suffisent pour hérisser les poils et Craig Mazin montre, avec Chernobyl, qu’il l’a parfaitement compris. La solennité et la dévotion de la série envers son ambition documentaire lui offre juste ce qu’il faut d’effacement et de retenue pour bousculer les spectateurs. Une œuvre totale.
- Copyright : HBO
- Copyright : HBO
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.