Le 25 janvier 2005

Bukowski est unique. Impossible de le ranger dans un quelconque courant littéraire.
On a souvent essayé de ranger Charles Bukowski dans un courant littéraire, d’indiquer au monde à qui Charles Bukowski pouvait ressembler. On l’a souvent classé, et souvent dans la beat generation. Probablement parce qu’il buvait et s’accommodait assez mal de son envenimement urbain. Mais la composition de ses textes conteste l’idée même d’appartenance à une veine, mêlant le pamphlet et l’apologie, la nostalgie et l’anticipation, les beuveries et les prises de conscience. Il passe de la poésie (L’amour est un chien de l’enfer), au récit érotique (Women), au roman sur l’enfance (Souvenir d’un pas grand-chose), en abordant même à la fin de sa vie le polar fantastique (Pulp).
De Burroughs et Ginsberg, il dit : "ces écrivains sont finis, devenus mous, gagas". Il se moque bien d’être désigné comme un successeur de ces auteurs mythiques. Il se fout bien de l’idée d’une quelconque révolution, renvoyant dos à dos dictature et démocratie ("La différence entre une démocratie et une dictature, c’est qu’en démocratie tu votes avant d’obéir aux ordres. Dans une dictature, tu perds pas ton temps à voter"). Dans Factorum, son deuxième roman, il prêche le refus du travail, non par paresse (Bukowski faisaient des petits boulots le jour et écrivait la nuit) mais par gâchis de la vie, une vie dictée par les autres. Bukowski n’apporte pas de solution miracle. Il se contente de dire qu’il faut profiter. "Elle se jeta sur moi, et j’étais écrasé sous cent dix kilos de quelque chose qui était un peu moins qu’un ange. Sa bouche était au-dessus de moi et elle dégouttait de la bave et sentait l’oignon et le vin fermenté et le sperme de quatre cents mâles. Je lui ai fermé le bec et je l’ai virée. Avant que je bouge, elle était à nouveau sur moi. Elle m’agrippait les couilles avec les deux mains. Sa bouche s’ouvrait, sa tête descendait, elle me l’avait prise. [...] D’énormes bruits de succion résonnaient sur les murs et on entendait Mahler à la radio. Ma queue grossissait, s’empourprait, se couvrait de bave. Je pensais : si j’éjacule, je ne me le pardonnerai jamais..." C’est ainsi, après la lecture de Women, qu’on voudrait rappeler à Bukowski ses propres mots : "Un homme doit être soigneux sur la façon dont il mélange l’alcool et le sexe."