Le 15 mai 2022


- Titre original : In Between Seasons
- Scénariste : Lee Dong-eun>
- Dessinateur : Jeong Yi-yong
- Genre : Drame, Chronique sociale
- Editeur : Éditions çà et là
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 13 mai 2022
- Titre original : In Between Seasons
Un drame raconté avec sobriété et sensibilité qui met en scène un trio confronté à un accident de la vie, par deux auteurs coréens encore inconnus en France.
Résumé : Su-hyeon est un lycée en terminale lorsqu’il président Yong-jun à sa mère, Mme Sang. Cette dernière héberge et s’attache à Yong-jun, qui vient de perdre sa mère et se retrouve orphelin. Elle trouve que le bon caractère Yong-jun a une influence positive sur son propre fils, plus difficile. Mais Mme Sang ne se doute pas que les deux jeunes hommes entretiennent une liaison… jusqu’au jour où ceux-ci sont victime d’un grave accident de voiture. Grièvement blessé, Su-hyeon tombe dans le coma pendant plusieurs mois. Accablés de chagrin, Mme Sang découvrir la véritable nature de la relation que Yong-jun entretient avec son fils, et décide de l’empêcher de voir Su-hyeon.
Changement de saison est la première œuvre que le scénariste et réalisateur Lee Dong-eun et le dessinateur Jeong Yi-yong ont réalisé ensemble, en 2013. Celle-ci a été adaptée au cinéma en 2016 par Lee Dong-eun sous le titre In Between Seasons, et a été récompensée lors du festival international du film de Busan. Depuis, les deux artistes ont conçu quatre autres bandes dessinées, qui ne bénéficient pas encore d’une traduction française.
- Lee Dong-eun, Jeong Yi-yong – Éditions çà et là pour la traduction française
Comme le figure bien la couverture, le récit se focalise sur les relations complexes du trio formé par Mme Sang, son fils Su-hyeon et Yong-jun. L’incipit met en parallèle les deux drames qui touchent ces personnages, à quatre années de distance : la mort de la mère de Yong-jun, qui apparaît le temps d’une case sur un brancard, comme la dernière image que le jeune homme a gardé en mémoire, et l’hospitalisation de Su-hyeon, veillé par sa mère lorsqu’il est dans le coma. On découvre ensuite la vie quotidienne de ce trio, et la relation de complicité qui se noue entre les deux jeunes hommes. Les deux auteurs ont l’intelligence de faire confiance à leur lecteur, qui comprend par lui-même la véritable nature de la relation des deux lycéens, ce que la mère ne perçoit pas. Le récit met subtilement en scène les non-dits qui entourent cette relation. Impossible, dans une société sud-coréenne qui demeure très conservatrice, d’admettre son homosexualité. La critique du conservatisme social pointe par petites touches, à travers quelques moment soigneusement mis en scène, derrière ce drame intime : l’absence pesante du père de Su-hyeon, qui fait peser toute la charge mentale sur son épouse, la vision traditionnelle du couple, où il faut se marier jeune avec une femme de bonne famille, la solitude enfin derrière le vernis des relations sociales.
- Lee Dong-eun, Jeong Yi-yong – Éditions çà et là pour la traduction française
La peinture des émotions et le caractère fouillé – et extrêmement réaliste – de ses trois principaux personnages sont les deux grandes qualités de Changement de saison. Femme délaissée par son mari, aimant son fils mais en prise avec les tabous qui lui ont été légués, Mme Sang évolue tout au long du récit. De son côté, Yong-jun sombre dans la dépression : se sentant coupable de l’accident, il est rejeté par Mme Sang, qui constituait une figure maternelle depuis qu’il s’est retrouvé orphelin. Loin de la famille nucléaire hétérosexuelle, Changement de saison donne à voir la diversité et la complexité des relations familiales.
À l’instar du récit, le trait en nuances de gris de Jeong Yi-yong est sobre et réaliste, avec de nombreuses cases muettes qui saisissent avec justesse les émotions des personnages ou les non-dits. Si le découpage permet une lecture fluide, il s’avère parfois difficile de distinguer par le dessin les visages de Su-hyeon et de Yong-jun. Il s’agit du seul véritable reproche que l’on peut faire à ce beau récit qui témoigne de la vitalité de la bande dessinée d’auteur coréenne.
296 pages – 22 €