Le 7 novembre 2014
Ce "petit" film dessine avec finesse un portrait attachant, qui nous en dit beaucoup sur le sort des déracinés.
- Réalisateur : Ali Ghanem
- Acteurs : Yves Piron, Ahmed Taybi, Oumria Mouffok
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Algérien
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 12 novembre 2014
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Ali Ghanem nous fait suivre un vieil homme déchiré entre deux pays, dans un film au ton juste malgré quelques maladresses.
L’argument : Rachid, ouvrier algérien à la retraite souhaite finir ses jours en Algérie. Sa femme et ses enfants refusent de le suivre... Il décide de s’y rendre seul et découvre une réalité à laquelle il ne s’attendait pas.
Notre avis : Ali Ghanem, né en 1943, est un romancier, scénariste et réalisateur qui a mis en scène peu de films. On comprend pourquoi quand on sait les difficultés qu’il a eu pour celui-ci : les problèmes de financement ont retardé son tournage pendant plusieurs années. Pourtant, son entêtement a fini par payer. Voici donc le portrait de Rachid, immigré qui a fait sa vie en France, et veut, la retraite venue, retourner « au bled ». Le film commence et se termine sur le bateau, comme un symbole de cet entre-deux, de cette hésitation entre deux pays, mais aussi finalement de son appartenance à aucun. Immigré en France, émigré en Algérie, il est pour les gens un « autre », jamais à sa place. C’est d’ailleurs un motif récurrent du dialogue. La langue même est partagée entre l’arabe et le français.
Nous suivons donc les déambulations de Rachid, ses altercations avec sa fille, son fils, sa femme, son frère. Tout à coup tout le monde semble contre lui. La finesse du film est de ne faire aucun procès : le racisme radical et violent appartient au passé (en flash-back, des extraits d’un autre film de Ghanem, L’autre France, montrent le dur combat des années de sa jeunesse), la famille s’aime malgré des divergences. Bref, il n’y a pas de manichéisme ni de revendication. Si certains films sociaux sont des cris, Chacun sa vie est un murmure, une souffrance sourde qui peine à s’exprimer malgré de nombreux dialogues. Ali Ghanem préfère cadrer le quotidien le plus banal, à l’aide d’une image plate : l’hôpital, la télévision, une rose dans un jardin, deviennent autant de signes d’une existence dérisoire. Ainsi la télévision est-elle le refuge de ceux qui n’attendent plus rien. De manière significative, Rachid l’éteint quand il veut parler à sa famille ; on le lui reproche d’ailleurs. Et quand, au bled, il regarde les photos de ses enfants, c’est à nouveau devant un poste éteint. Plutôt que de se révolter, il pleure ou répète qu’il est fatigué. Lui qui, au début du film, ne comprend pas ce qu’est un psychologue, dit en Algérie que son problème est psychologique. C’est tout le sens de son parcours : admettre que son rôle de père qui décide de tout est contesté, non pas de manière injuste, mais parce que, comme le disait Renoir, tout le monde a ses raisons. Le patriarcat qu’il a connu se délite, mais des scènes de tendresse montrent que, si chacun veut vivre sa vie, sa famille reste soudée et proche. Son collègue, la femme de son ami, tous lui répètent de laisser ses enfants libres.
Chacun sa vie apparaîtra sans doute comme un film maladroit avec ses comédiens amateurs pas toujours convaincants, ses flash-back auréolés anachroniques, ses cadres rarement inventifs. Mais la sincérité du réalisateur perce souvent et nous vaut de beaux moments ; ainsi la mort de Mohamed est-elle traitée avec une infinie pudeur : un lit vide, une main sur l’épaule, un couscous donné à un SDF suffisent. Surtout, le personnage de Rachid, inspiré d’une rencontre de Ghanem, incarne une interrogation universelle sur le vieillissement et, au fond, le sens de la vie.
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