Carré Blanc sur fond de noirceur humaine.
Le 9 septembre 2011
Volontiers pessimiste, implacable et parfois dérangeant, ce premier film cultive un malaise certain chez le spectateur, mais ne laisse pas indifférent quant à la noirceur qu’il donne à voir. Une vraie découverte.
- Réalisateur : Jean-Baptiste Leonetti
- Acteurs : Sami Bouajila, Julie Gayet
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 7 septembre 2011
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– Durée : 1h17mn
Volontiers pessimiste, implacable et parfois dérangeant, ce premier film cultive un malaise certain chez le spectateur, mais ne laisse pas indifférent quant à la noirceur qu’il donne à voir. Une vraie découverte.
L’argument : Dans un monde déshumanisé, Philippe et Marie, deux orphelins, grandissent ensemble. 20 ans plus tard, ils sont mariés. Philippe est un cadre froid et implacable. Marie assiste impuissante à ce qu’ils sont devenus l’un pour l’autre : des étrangers. Leur destin bascule lorsque Marie décide de braver le système pour préserver ce qu’il reste de leur amour. Jusqu’où iront-ils pour continuer d’exister à deux, seuls contre tous ?
Notre avis : Le carré blanc dont il est question évoque d’abord au spectateur l’écran qui lui fait face et sur lequel seront projetées les images du film, si bien que celui-ci communique un sentiment d’étrangeté quasi immédiat. Mais le titre fait également songer aux premières signalétiques télévisuelles et semble agir comme une mise en garde, à l’image de la fable racontée par "maman ours" à son jeune fils dans la séquence d’ouverture. Car c’est bien à la menace d’un monde déshumanisé et aseptisé que nous confronte cette oeuvre implacable et lucide, dont chaque plan dénonce la perfection inhumaine à laquelle aspire la société figée qu’elle donne à voir.
L’univers mis en place renvoie très clairement à la contre-utopie, avec respect de ses lieux communs (grands immeubles gris, façon 1984) ou détournement de certains thèmes attendus (ici par exemple, l’encouragement de la natalité est préféré au traditionnel contrôle des naissances). Formé au langage publicitaire, Jean-Baptiste Leonetti en a conservé un goût intact pour les plans informatifs et la surcharge métaphorique qui oeuvre ici à double tranchant. D’un côté, la mise en scène permet d’appuyer - pour mieux la dénoncer - l’inhumanité de ce monde sordide et futuriste, réduit à la fonctionnalité la plus abêtissante. Mais d’un autre, elle en épouse facilement les travers, si bien qu’elle tend à faire du spectateur le complice impuissant des mécanismes totalitaires à l’oeuvre dans la fiction.
D’où un sentiment de malaise entretenu par la caméra, avec un souci constant et très appuyé de mettre à l’épreuve notre empathie. Il en résulte une succession de séquences parfois pesantes mais très justes, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder le monde de l’entreprise. Les injonctions contradictoires faites aux employés, les petits sévices que chacun inflige légalement à l’autre (Bouajila lance à ses employés des "défis" impossibles, comme de reculer dos à un mur), le jaillissement impromptu de violence lors d’un buffet, tout cela est d’un naturel saisissant et tend au spectateur un miroir pétrifiant de la cruauté dissimulée sous la froideur apparente de la hiérarchie.
Les acteurs s’accordent parfaitement au mécanisme de l’ensemble et privilégient un jeu morbide, parfois proche du cauchemar. Le mérite en revient à une belle équipe servie, outre le couple Gayet - Bouajila (remarquables de sobriété et d’émotion contenue), par des seconds rôles qui réussissent à insuffler au film un semblant d’humanité et nous faire entrevoir un fragile espoir. Trop fragile, peut-être, et qui peine à atténuer l’excessive noirceur de l’ensemble. On peut regretter que Carré Blanc se complaise dans un pessimisme délibéré et, parfois même, dans une forme de cynisme. On peut également regretter le malaise qu’il cultive chez son spectateur, la résignation à laquelle il l’invite avec ses effets tapageurs et sa mise en scène un brin voyeuriste. Il n’empêche que l’oeuvre ne laissera pas indifférent et qu’elle a le grand mérite de faire éclater le format trop respectable dans lequel se maintiennent, parfois avec complaisance, bon nombre de (premiers) films. Une véritable expérience.
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