Faites l’amour, pas la guerre froide
Le 16 novembre 2020
Toujours soucieux de la magnificence picturale de chaque plan, le Polonais Pawel Pawlikowski en oublie de laisser une place à l’empathie dans sa description figée d’une relation de couple houleuse.
- Réalisateur : Pawel Pawlikowski
- Acteurs : Jeanne Balibar, Joanna Kulig, Borys Szyc, Cédric Kahn, Agata Kulesza, Tomasz Kot
- Genre : Drame, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Britannique, Français, Polonais
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h24mn
- Date télé : 16 novembre 2020 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Zimna Wojna
- Date de sortie : 24 octobre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
Résumé : Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.
Critique : « Quand on aime, le temps ne compte pas » explique une poétesse française, à laquelle Jeanne Balibar prête ses traits, à Zula. C’est assurément ce paradigme que Pawel Pawlikowski a voulu explorer en mettant en scène l’histoire d’amour entre cette chanteuse et un chef d’orchestre s’étirant sur plus de dix ans. Mais qui dit récit étiré, dit fatalement construction elliptique, soit le danger de ne pas réussir à développer toute la palette émotionnelle des deux amants. Mais il apparaît surtout rapidement que le ressenti des personnages n’est pas la priorité du réalisateur.
- © 2018 Lukasz Bak. Tous droits réservés.
Suivant le même procédé que celui qui fit le succès de Ida il y a quatre ans, la réalisation cherche davantage à mettre en avant le travail opéré sur le rendu de la photographie que sur les prestations des acteurs, tout en retenue. Contrairement à ce qui s’est dit, le chef opérateur de Cold War n’est pas le même que sur Ida. Lukas Zal n’était il y a quatre ans « que » chef machiniste. Et bien qu’il ait depuis travaillé sur d’autres projets, il ne parvient pas au degré de sublime de son prédécesseur. La photographie n’en reste pas moins somptueuse, mais loin d’être le seul atout du film. Les plans les plus mémorables sont issus des passages musicaux et de la virtuosité dont le cinéaste fait preuve pour capter les chorégraphies, qu’elles soient traditionnelles ou modernes.
En s’ouvrant sur le parcours de Viktor, ce musicien charismatique, et de deux autres polonais spécialistes en musicologie, mandatés par le Parti pour débaucher des chanteurs dans la campagne polonaise afin d’alimenter un spectacle propagandiste, le réalisateur assure à son film une portée politique qu’on ne lui attendait pas forcément. Toutefois, le romantisme du coup de foudre qui unit Viktor à Zula détourne le scénario de ce propos pour se concentrer sur un enjeu unique : leur relation. Tandis que la jeune femme fait preuve d’une extrême pudeur et d’un attachement à son pays natal, lui voudrait au contraire qu’ils s’enfuient vers cet Occident, qu’il rêve terre de liberté bucolique et d’inspiration musicale. Ainsi, d’ellipse en ellipse, années après années, on retrouve le couple à différentes étapes de leur relation, sur le schéma classique du « je t’aime, moi non plus », dans des passages trop courts pour développer en profondeur l’évolution de leurs sentiments l’un envers l’autre. Chacune de ces retrouvailles est néanmoins l’occasion de filmer une scène de bal ou de concert qui forment en fin de compte le véritable vecteur passionnel de ce récit.
- © 2018 Lukasz Bak. Tous droits réservés.
Il faudra attendre la seconde moitié du film, et la fuite en avant de Viktor, rejoint par sa bien-aimée à Paris, pour que le cinéaste s’accorde plus de temps pour les observer dans leur intimité. C’est là que l’on ressent enfin une évolution affective dans le personnage de Kula. C’est, en l’occurrence, cette désillusion de découvrir un Paris mondain, loin de la vie de bohème promise par son amant, qui représente l’émotion que Pawlikowski aura su le mieux transposer à l’écran. Cette courte partie aura de plus eu le bénéfice de nous offrir quelques caméos (Balibar, mais aussi Cédric Kahn) et surtout une scène de jazz qui restera sans doute comme la plus inoubliable du long-métrage.
Pourtant, au final, Cold War ne s’apparente, sur le fond, qu’à une observation factuelle d’un couple qui s’attire, se repousse et se retrouve tel qu’on a pu en voir des dizaines. Loin de la puissance thématique d’Ida et sa peinture cinglante du puritanisme orthodoxe, le film n’en reste pas moins, sur la forme, un exercice de style admirable pour les amateurs de beautés contemplatives.
– Compétition officielle Cannes 2018
– Prix de la Mise en Scène, Cannes 2018
– Meilleur Film Européen aux 31èmes European Film Awards
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catherine 21 décembre 2018
Cold War - la critique du film
Bonjour
je me suis inscrite juste pour pouvoir vous dire que c’est votre critique, parmi toutes celles présentées par Allociné, qui rend le mieux compte de ce que j’ai ressenti après ce film. Souvent, je ne parviens pas à dire exactement ce qui me dérange ou me manque, mais vous l’avez décrit à merveille ! Bravo à vous donc !
Cela dit, je suis également sortie mal à l’aise de la palme d’or, que j’ai pourtant beaucoup apprécié également ... Je pense que je suis affreusement exigeante !
Bien à vous, continuez !
Catherine