Le 2 mai 2024
Bushman est un diamant noir retrouvé, instantané inestimable des États-Unis de l’époque.
- Réalisateur : David Schickele
- Acteurs : Jack Nance, Paul Eyam Nzie Okpokam, Elaine Featherstone
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h18mn
- Titre original : Bushman
- Date de sortie : 24 avril 2024
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– Année de production : 1971
Résumé : En 1968, Martin Luther King est assassiné et la guerre du Biafra entraîne une terrible famine. Gabriel a fui le Nigeria et vit à San Francisco, au contact de la communauté afro-américaine comme des milieux bohèmes blancs. Dans ces États-Unis très agités des années 60, sa vie d’exil est jalonnée de rencontres, d’escapades et d’errances, mais il reste habité de souvenirs et de la nostalgie du village de son enfance. Bientôt, son visa arrive à expiration...
Critique : Tournée à l’orée des années 1970, tombé aux oubliettes depuis, fort opportunément distribué aujourd’hui par Malavida Films après sa projection au dernier festival de Bologne, Bushman a tout du diamant brut retrouvé. À voir le film, on comprend néanmoins mieux qu’il ait été cantonné à un relatif anonymat dans son propre pays, tant le film colle peu avec les mythes que les États-Unis aimaient se raconter eux-mêmes à l’époque.
- © 2024 Malavida. Tous droits réservés.
Premier mythe, fondateur : que l’Amérique est une terre de Cocagne qui accueille à bras ouverts les « pauvres, les exténués, qui en rangs pressés aspirent à vivre libres » ; Gabriel, Nigérian venu découvrir les grands horizons étasuniens, en fera rapidement l’amère expérience, quand les portes se ferment une à une lorsqu’il traîne ses guêtres pour décrocher coûte que coûte un visa. Autre légende, plus contemporaine : qu’en cette époque de flower power, la révolution hippie est inéluctable, que le changement arrive les pieds nus et les mains dans les poches. David Schickele semble quant à lui (dès 1971 !) assez clairvoyant sur les limites et hypocrisies de ce petit monde qui se veut à l’avant-garde du progressisme : ici, un motard chevelu demande à notre protagoniste de « dire quelque chose en africain » ; là, une femme (blanche) avec qui Gabriel passera une nuit s’esbaudit de « cet homme naturel si à l’aise avec sa personnalité » ; là encore, un riche homosexuel – pas loin de la caricature façon Cage aux Folles – interprété par Jack Nance, le futur Eraserhead de David Lynch, ne demande qu’à être « ravi par le continent noir. » Preuve qu’on peut donc être peace and love et succomber, fût-ce malgré soi, aux tenaces clichés colonialistes…
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Bushman constitue de fait un instantané inestimable des lignes de fracture américaines de l’époque – il a d’ailleurs été tourné en 1968, année au cours de laquelle, le film le rappelle, furent assassinés Bobby Kennedy, Martin Luther King et Bobby Hutton, leader californien des Black Panthers abattu par la police. (JFK et Malcolm X avaient eux aussi été tués quelques années avant.) On repense à cette réplique de Bulworth, satire raciale au vitriol signée Warren Beatty : « -Pourquoi tu penses qu’il y a plus de grands leaders noirs ? – Certains disent qu’ils ont tous été tués... » Et, si le terme de précurseur est souvent utilisé à la légère, c’est pourtant bien ce qu’est Bushman : il précède de quelques années Killer of Sheep, long-métrage séminal de Charles Burnett considéré comme l’acte de naissance d’un certain cinéma afro-américain, social et néoréaliste – tandis que l’idée d’une romance interraciale pave directement la voie à Jungle Fever, film de Spike Lee sorti deux décennies plus tard. Un film que l’on serait tenté de qualifier de libre, qui n’en fait joyeusement qu’à sa tête, à l’instar de son drôle de héros – du moins jusqu’à son ultime rebondissement, dont on sait tout mais dont on ne dira rien, pour en laisser la surprise intacte.
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