Le 5 juin 2019
A travers ce dessin animé documentaire, Salvador Simó et Fermin Solis proposent une leçon de vie autant qu’une leçon de cinéma, en inaugurant un sous-genre jusqu’alors peu vu, le making-of d’un film de patrimoine en dessin animé. Passionnant.
- Réalisateur : Simo Salvador
- Acteur : Luis Buñuel
- Genre : Documentaire, Animation
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Eurozoom
- Durée : 1h26mn
- Date télé : 30 septembre 2021 23:15
- Chaîne : Arte
- Titre original : Buñuel en el laberinto de las tortugas
- Date de sortie : 19 juin 2019
- Festival : Festival d’Annecy 2019
Résumé : Suite au scandale de la projection de L’AGE D’OR à Paris en 1930, Luis Buñuel se retrouve totalement déprimé et désargenté. Un ticket gagnant de loterie, acheté par son ami le sculpteur Ramon Acin, va changer le cours des choses et permettre à Buñuel de réaliser le film TERRE SANS PAIN et de retrouver foi en son incroyable talent.
- Copyright Eurozoom, Wanda vision
Critique : Ce beau film sur le film Terre sans pain de Luis Buñuel s’adresse-t-il à un public de niche, composé de cinéphiles, de curieux, d’« intellos » ou d’historiens érudits ? D’ailleurs, qui se souvient du documentaire Terre sans pain que le cinéaste espagnol réalisa en 1933 sur les terres inhospitalières et mêmes réputées hostiles des Hurdes ? Certes, ce documentaire d’animation éveille la curiosité ou les bribes de souvenirs que quelques irréductibles cinéphiles peuvent avoir gardés de ce film inclassable. On a envie de voir ou de revoir ce Terre sans pain dont ne sont proposés que quelques extraits reconnaissables ici au fait d’être les seules séquences en prises de vue réelles. Nous découvrons, dans Buñuel après l’âge d’or, la chance inouïe du cinéaste et son talent à saisir une opportunité inespérée de refaire surface, de relancer sa créativité, de reprendre pied, après le chaos provoqué par le scandale de L’âge d’or qui, sans un coup de pouce du destin, aurait ruiné sa vie artistique. Nous saisissons aussi combien Buñuel ne pouvait se défaire des obsessions qui étaient les siennes au cours de sa période surréaliste. Même les exigences de l’écriture documentaire ne suffirent pas à l’extirper de la rêverie, des torpeurs et des traumas de son enfance artistique. Ainsi peut-on repérer moult éléments de reconstitution de la vie de Buñuel, dans ce film. Il y a aussi des indices qui, au-delà de ce terre sans pain si particulier, font voir la place centrale de l’onirisme dans l’imaginaire buñuelien. On se rend compte que le metteur en scène, en surréaliste de la première heure, était déjà animé d’engagements politiques aux côtés des « olvidados » que sont les habitants de cette région déshéritée de l’Espagne pré-franquiste et qu’il pouvait compter sur son charisme, pour ne jamais transiger avec les moyens qui auraient empêché d’autres d’atteindre leurs fins. Jean-Claude Carrière, le scénariste de Belle de jour, sait de quoi il retourne, dès lors que l’on évoque la relation de Buñuel à l’« Obscur objet de désir », qui caractérise songes et rêverie.
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- Copyright Wanda Visión
Ils en témoignent ensemble dans Mon dernier soupir, l’autobiographie que Buñuel a accepté d’écrire avec lui. Fort d’un magnétisme et d’une autorité naturelle qui ont à voir avec le destin, Luis Buñuel, bien qu’assailli par les doutes, se montra tenace et résolu, comme le démontrent ces moments de mise en scène relatés par le film, sans en contredire l’intention documentaire. Ici, le hasard est provoqué, l’écriture automatique est abandonnée au profit de l’essai cinématographique, en l’occurrence l’adaptation d’une recherche ethnographique du médecin Maurice Legendre, qui explora ce terrain pendant une vingtaine d’années, qui en publia une synthèse en 1927, dont le contenu constitua la source d’inspiration de Buñuel, avec la complicité d’Eli Lotar, de Ramón Acin et de Pierre Unik.
Mais, au final, l’humanisme de Luis Buñuel transparaît et nous interpelle. Il fait de ce documentaire une oeuvre contemporaine, qui dépasse son objet pour donner la parole à des voix intemporelles et universelles.
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Lina-Estelle 28 juin 2019
Buñuel après l’âge d’or - la critique du film
Un bonheur sorti de nul part, réalisé par Salvador Simo qui s’est inspiré de la bande dessinée de Fermín Solís : Buñuel y el labirinto de las tortugas (trad : Buñuel dans le labyrinthe des tortues. Ainsi, le film Bunuel : après l’âge d’or s’articule autour du tournage de Terre sans pain, le film documentaire que Luis Buñuel a réalisé en 1932 dans la région la plus pauvre d’Espagne : Las Hurdes. Terre sans pain marque le détachement de Buñuel de « l’orthodoxie » surréaliste (mené par André Breton) et son engagement sur des thématiques plus sociales. Ce film a pu être réalisé grâce au financement “surréaliste” de son ami sculpteur Ramon Acin dont le lien d’amitié inconditionnel basé sur la foi du talent de l’autre est poétiquement mis en scène. Bunuel et Acin sont dans des parcours parallèles qui vont dans des sens opposés. Quand l’un semble échoué et regretté, l’autre se révèle à lui-même et au monde. Quand l’un disparaît, l’autre s’élève par l’atteinte de sa vérité. "Tout prend un sens nouveau", cette réplique du personnage éponyme résume le parcours émotionnel en tant que spectateur, où l’on observe avec compréhension et émotion, la progression de la vision du monde du personnage. Le film imagine les contours du “réel objectif”, i.e. le film documentaire. Le dessin animé s’éloigne donc du registre purement biographique où le documentaire est une source d’inspiration pour construire un personnage de fiction, aux facettes multiples et ambivalentes tantôt prétentieusement capricieux, tantôt sensible à la misère humaine. Terre sans pain expose une réalité poétique, car dramatise le réel miséreux en mettant en scène délibérément des plans cruels. Ses motivations pour l’horreur, Bunuel l’explique en 1953 lors d’une table ronde à l’Université de Mexico, où il décrit le surréalisme comme celui qui "aura détruit la représentation conventionnelle de la nature […] ébranlé l’optimisme bourgeois et obligé le spectateur à douter de la pérennité de l’ordre existant". Le dessin animé dépeint avec simplicité les motivations de Buñuel et les origines de ces plus grandes angoisses et jouissances. Ainsi, plusieurs niveaux de temporalités et d’univers jalonnent l’histoire sans perdre le spectateur. Le niveau le plus manifeste est Bunuel adulte en dessin animé (T=0), les prises de vue réelles du film Terre sans pain (T=0), son enfance en dessin animé (T= -X années), ses rêves/cauchemars en dessin animé (T=0). Les superpositions d’univers et des cadres spatio-temporels sont fondées et emmenées avec délicatesse. Le choix d’un film d’animation est non seulement nécessaire, mais apporte de la poésie et du surréalisme dans l’onirisme. Sans compter sur une plume fine délivrant un humour habile. En somme, Bunuel : après l’âge d’or est une claque émotionnelle avec une notion spéciale pour la bande originale du film composée par Arturo Cardelus apportant sa pièce à l’édifice d’une grande beauté grave.
Lina-Estelle 28 juin 2019
Buñuel après l’âge d’or - la critique du film
Un bonheur sorti de nul part, réalisé par Salvador Simo qui s’est inspiré de la bande dessinée de Fermín Solís : Buñuel y el labirinto de las tortugas (trad : Buñuel dans le labyrinthe des tortues. Ainsi, le film Bunuel : après l’âge d’or s’articule autour du tournage de Terre sans pain, le film documentaire que Luis Buñuel a réalisé en 1932 dans la région la plus pauvre d’Espagne : Las Hurdes. Terre sans pain marque le détachement de Buñuel de « l’orthodoxie » surréaliste (mené par André Breton) et son engagement sur des thématiques plus sociales. Ce film a pu être réalisé grâce au financement “surréaliste” de son ami sculpteur Ramon Acin dont le lien d’amitié inconditionnel basé sur la foi du talent de l’autre est poétiquement mis en scène. Bunuel et Acin sont dans des parcours parallèles qui vont dans des sens opposés. Quand l’un semble échoué et regretté, l’autre se révèle à lui-même et au monde. Quand l’un disparaît, l’autre s’élève par l’atteinte de sa vérité. "Tout prend un sens nouveau", cette réplique du personnage éponyme résume le parcours émotionnel en tant que spectateur, où l’on observe avec compréhension et émotion, la progression de la vision du monde du personnage. Le film imagine les contours du “réel objectif”, i.e. le film documentaire. Le dessin animé s’éloigne donc du registre purement biographique où le documentaire est une source d’inspiration pour construire un personnage de fiction, aux facettes multiples et ambivalentes tantôt prétentieusement capricieux, tantôt sensible à la misère humaine. Terre sans pain expose une réalité poétique, car dramatise le réel miséreux en mettant en scène délibérément des plans cruels. Ses motivations pour l’horreur, Bunuel l’explique en 1953 lors d’une table ronde à l’Université de Mexico, où il décrit le surréalisme comme celui qui "aura détruit la représentation conventionnelle de la nature […] ébranlé l’optimisme bourgeois et obligé le spectateur à douter de la pérennité de l’ordre existant". Le dessin animé dépeint avec simplicité les motivations de Buñuel et les origines de ces plus grandes angoisses et jouissances. Ainsi, plusieurs niveaux de temporalités et d’univers jalonnent l’histoire sans perdre le spectateur. Le niveau le plus manifeste est Bunuel adulte en dessin animé (T=0), les prises de vue réelles du film Terre sans pain (T=0), son enfance en dessin animé (T= -X années), ses rêves/cauchemars en dessin animé (T=0). Les superpositions d’univers et des cadres spatio-temporels sont fondées et emmenées avec délicatesse. Le choix d’un film d’animation est non seulement nécessaire, mais apporte de la poésie et du surréalisme dans l’onirisme. Sans compter sur une plume fine délivrant un humour habile. En somme, Bunuel : après l’âge d’or est une claque émotionnelle avec une notion spéciale pour la bande originale du film composée par Arturo Cardelus apportant sa pièce à l’édifice d’une grande beauté grave.