Bruegel le récent
Le 5 juin 2012
Voilà pourquoi l’école flamande a toujours méprisé Photoshop.
- Réalisateur : Lech Majewski
- Acteurs : Charlotte Rampling, Rutger Hauer, Michael York
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Polonais, Suédois
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Durée : 1h32mn
- Titre original : The mill and the cross
- Date de sortie : 28 décembre 2011
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– Sortie dvd le 12 juin 2012
Voilà pourquoi l’école flamande a toujours méprisé Photoshop.
L’argument : Année 1564, alors que les Flandres subissent l’occupation brutale des Espagnols, Pieter Bruegel l’Ancien, achève son chef d’œuvre "Le Portement de la croix", où derrière la Passion du Christ, on peut lire la chronique tourmentée d’un pays en plein chaos.
Le film plonge littéralement le spectateur dans le tableau et suit le parcours d’une douzaine de personnages au temps des guerres de religions. Leurs histoires s’entrelacent dans de vastes paysages peuplés de villageois et de cavaliers rouges. Parmi eux Bruegel lui-même, son ami le collectionneur Nicholas Jonghelinck et la Vierge Marie.
Notre avis : Une profanation peut être belle. Mais le fait de déranger la tombe de Pieter l’ancien pour y installer une telle boucherie infographique réveille quelque chose de profondément conservateur en nous. Et si certains, la bouche pleine de "vertiges figuratifs", ont cru voir Lech Majewski transcender l’huile du maître en la sortant de son bois, le moulin et la croix ne restera - à nos yeux blessés - qu’un vilain scrapbook numérique. Un scrapbook tout en génuflexions, mais un scrapbook quand même. Pourtant, l’idée de jouer les enquêteurs plastiques était plutôt bonne. Et oui, à l’heure de percer les mille énigmes du Portement de la croix, la caméra triomphe forcément de la loupe. Avec elle, Majewski devait pouvoir s’approprier les scènes fondamentales du fourmillement Bruegelien, conjecturer sur leur genèse et leur donner du temps, celui d’avant la pétrification. À l’arrivée, la seule valeur de son film est purement documentaire. Et malgré quelques spéculations absconses de la toujours cireuse Charlotte Rampling, il y a là-dedans assez d’éclairages pédagogiques pour mieux saisir l’art du grand flamand, comprendre comment et pourquoi son tableau adosse passion du christ, supplice des réformés et absurdité du tribunal des hommes.
Mais la majeure partie du temps, le moulin et la croix emprunte (en se trompant de siècle) quelques pompeux clairs-obscurs à Vermeer pour soigner ses intérieurs, puis oscille entre l’imitation malheureuse et le Peter Brook de foire champêtre avant de s’empêtrer définitivement dans des superpositions vomitoires qui sont à Bruegel ce que Dany Brillant est à Francky Sinatra. L’ambiance irréelle voulue par Majewski ne fonctionne jamais, pas plus que ses mariages fumeux entre prises de vue et incrustations à la truelle graphique. Parfois, on en vient même à regretter les reconstitutions historico-fauchées de la TNT. Celles-là, au moins, sont rarement précédées d’un tel cortège de babillages pour hystériques de l’art-vidéo. Et puisqu’on parle de vidéo, ajoutons que sa sur-définition n’aide certainement pas la photo malade du film à ne serait-ce qu’entre-apercevoir la cheville du maître, qui se passait bien de laptop pour brosser ses lumières miraculeuses. En définitive, l’exercice de style est vain. Minutieux, méticuleux même, mais vain. Et, à notre avis, dans certaines galeries viennoises, il y a des hommages dont on se passerait bien.
Le DVD :
Les suppléments :
C’est la moindre des choses pour un dvd de ce type, me direz vous, mais il faut quand même saluer la présence sur l’objet de 4 micro-documentaires de 20 minutes chacun. Entre deux interviews de Majewski (l’une sur son rapport à ce qu’il appelle un "conte symbolique", l’autre sur une installation liée à Bruegel) on croise aussi Jean de Maere, historien de l’art belge (c’est lui qui est belge, pas l’art) sommé de nous expliquer l’intérêt (évidemment immense) du film. Et en dernier lieu, vous trouverez également un petit focus sur B l’ancien lui-même, puis le proverbial duo scènes coupées/bandes-annonces.
L’image :
Paradoxalement, l’image est trop nette pour densifier et crédibiliser le travail de Majewski, mais sa définition n’est pas bluffante pour autant. Une copie étrangement gordienne donc, certainement pas sauvée par des couleurs globalement ternes et mal équilibrées. Dommage pour un film aussi formaliste.
Le son :
Rien à redire de ce côté-là, le DD 5.1 retranscrit parfaitement l’à peu près rien qui habille le film. Sauf si vous êtes friands de bruits de moulins à 360°. Le vent est très bien aussi.
Galerie Photos
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