Le 3 septembre 2023
Un polar tortueux et haletant, qui confirme le talent de comédien d’Edward Norton, mais surtout son incroyable capacité à mettre en scène des histoires impossibles à raconter, autrement que dans un livre. Bluffant et enthousiasmant.
- Réalisateur : Edward Norton
- Acteurs : Edward Norton, Alec Baldwin, Willem Dafoe, Bruce Willis, Fisher Stevens, Bobby Cannavale, Gugu Mbatha-Raw, Ethan Suplee, Cherry Jones
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h25mn
- Date télé : 4 septembre 2023 21:10
- Chaîne : France 3
- Titre original : Motherless Brooklyn
- Date de sortie : 4 décembre 2019
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Résumé : New York dans les années 1950. Lionel Essrog, détective privé souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette, enquête sur le meurtre de son mentor et unique ami Frank Minna. Grâce aux rares indices en sa possession et à son esprit obsessionnel, il découvre des secrets dont la révélation pourrait avoir des conséquences sur la ville de New York… Des clubs de jazz de Harlem aux taudis de Brooklyn, jusqu’aux quartiers chics de Manhattan, Lionel devra affronter l’homme le plus redoutable de la ville pour sauver l’honneur de son ami disparu. Et peut-être aussi la femme qui lui assurera son salut…
Critique : Deux heures trente. La durée effraie. On se dit qu’on va s’ennuyer, qu’on regardera sa montre toute les deux minutes ou qu’on succombera au sommeil. Mais voilà ! Il faut bien tout ce temps pour dénouer une affaire policière complexe, dont on ne parvient à reconstituer les fils qu’à la presque dernière scène du film. Il faut s’appeler Coppola ou Polanski pour se lancer dans un tel projet. Sauf que le réalisateur est à la base comédien. Brooklyn Affairs n’est que la deuxième réalisation d’Edward Norton et pourtant, il impose un rythme, un style, une écriture dignes des plus grands cinéastes américains.
- Copyright 2019 Warner Bros. Ent. All Rights Reserved
Brooklyn Affairs constitue un film très américain, plus précisément très new-yorkais. On pourrait y trouver la patte de Spike Lee, naturellement celle de Coppola, ou encore celle de Ferrara. La ville des années 50 reconstruite pour l’occasion dans un studio, artifice que d’ailleurs le cinéaste ne cache pas, incarne une sorte de personnage à part entière. C’est Brooklyn et ce qui restait à l’époque de ses quartiers afro-américains, transformés depuis en un écrin réservé aux bobos, qui occupent le devant de la scène. Le jazz n’est jamais loin, ainsi que les immenses ponts qui relient les continents urbains. On comprend d’ailleurs, par l’intermédiaire de ce récit, que Norton dénonce le sort qui s’est acharné contre Brooklyn, faisant petit à petit disparaître ses fameuses maisons et ses habitats populaires, au bénéfice d’immeubles de plus en plus hauts, convoités par des promoteurs peu scrupuleux. Le cinéaste défend sa ville, et à travers elle, donne la voix aux discriminés, qu’ils soient pauvres, noirs ou même handicapés, que le capitalisme effréné a brisés.
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Brooklyn Affairs demeure avant tout une histoire policière. Cela commence par un crime sordide d’un patron détective, dont on ne comprend pas grand-chose. Des indices sont délivrés par la victime avant de mourir, des conversations sont surprises au téléphone ; mais en fait, plus le récit avance, plus le réalisateur perd son spectateur. Chacun expérimente, dans le silence de son siège de cinéma, la confusion de ne rien comprendre de ce qui se passe réellement, sinon de sentir que tout cela sent la corruption, le mensonge, la manipulation politique et l’irrésistible attrait du pouvoir. On se surprend même à faire des comparaisons malheureuses (!), comme la fameuse affaire Strauss-Kahn dans un hôtel luxueux. Le puzzle se reconstitue lentement et le spectateur doit faire preuve d’une véritable opiniâtreté pour saisir ce qui se joue réellement. En fait, le spectateur est le double du héros du film, un détective attachant, très intelligent, parfois naïf, souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette, dans la mesure où la solution de l’intrigue se découvre en même temps que lui. On rentre presque dans la tête de cet enquêteur de génie, tout autant que maladroit.
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Brooklyn Affairs est aussi et peut-être avant tout un film d’acteurs. On y croise l’immense Willem Defoe, Alec Baldwin, Bruce Willis et Gugu Mbatah-Raw, qui sont tous aussi prodigieux les uns que les autres. Il y a beaucoup de dialogues et il ne faut pas rechercher dans ce film du mouvement et de l’aventure. Mais les comédiens rentrent dans cette histoire avec un plaisir non dissimulé. Defoe ou Willis interprètent des personnages qui semblent très loin de leur physionomie et des héros qu’ils ont pu incarner. On sent que la mise en scène de Norton a contraint les acteurs à des rôles de composition, faisant appel à beaucoup d’imagination. Les cartes sont brouillées pendant tout le récit, et pourtant la cohérence s’affirme au fur et à mesure de l’avancée du scénario. Ainsi, les personnages révèlent peu à peu leur part sombre, à l’exception de celui joué par Edward Norton, dont la candeur aide évidemment au dénouement de l’intrigue policière.
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Voilà donc une œuvre surprenante et excitante, qui ne manquera pas de charmer les spectateurs amoureux de New York, du jazz et d’un certain cinéma américain des années 90. Surtout, c’est l’occasion de redécouvrir le talent d’Edward Norton en tant que comédien et réalisateur.
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