Portrait d’un monstre
Le 11 février 2023
Kitano en monstre radical dans un film intense et audacieux.
- Réalisateur : Yōichi Sai
- Acteurs : Takeshi Kitano (Beat Takeshi), Kyoka Suzuki, Jō Odagiri , Hirofumi Arai, Tomoko Tabata
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film de gangsters
- Nationalité : Japonais, Sud-coréen
- Distributeur : ARP Sélection
- Editeur vidéo : Keep Case
- Durée : 2h20mn
- Titre original : Chi to hone
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 20 juillet 2005
Résumé : En 1923, Kim Shun, un jeune paysan, quitte son île natale, au sud de la Corée, et débarque en bateau à Osaka, au Japon. Son obsession : faire fortune. En soixante ans, cet homme aussi brutal que charismatique connaîtra la richesse et le pouvoir, mais se condamnera à la solitude, puisqu’il n’aime que ce qu’il a détruit.
Critique : En sortant de la projection, on pense à un Scarface à la sauce nippone. Avec le recul, on se dit que la comparaison n’est pas illégitime. Blood and Bones, le nouveau film de Yōichi Sai, en possède l’intensité et l’audace. De manière factuelle, le cinéaste brosse le portrait d’un homme qui appartient à la génération des premiers Coréens venus s’installer au Japon. Petit à petit, le film dévie de l’allégorie politique et dessine en creux le quotidien d’un monstre dépourvu de sentiments qui va faire vivre à son entourage un calvaire absolu. En scrutant les multiples embûches existentielles qui ont bouleversé sa vie, Sai montre que cet homme avait suffisamment de charme pour séduire et de perversité pour se faire haïr aussitôt, mais que toutes ses proies ne pouvaient se passer de lui. Relation SM du genre coriace. Pour incarner cette bête, il fallait une bête d’acteur, et personne d’autre que Beat Takeshi (Takeshi KItano acteur) ? qui livre une prestation hallucinante de figure paternelle acariâtre et tyrannique.
On peut être étonné, voire choqué, par le fait que Yōichi Sai laisse Kitano performer aussi gratuitement son monstre. En réalité, il fait mine de donner de l’importance à son personnage pour que chacune de ses respirations fasse surgir la terreur, pour montrer des présences féminines claquemurées et effrayées, pour décrire le désarroi ambiant, la torture psychologique et physique... Bref, l’horreur nue.
- © 2004 Lighthouse Pictures. Tous droits réservés.
Si Kitano bouffe littéralement les autres acteurs, c’est pour mieux retranscrire le vampirisme de cet homme qui martyrise, humilie et absorbe ses victimes pour les réduire à néant et les conserver sous son joug paternaliste. Le refus de concessions comme de tentative rédemptrice finale appuie la détermination du cinéaste à assumer une radicalité à la fois formelle et narrative. Puissant ? Puissant.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : L’éditeur ARP se contente d’une édition simple exempte de tout bonus mis à part des bandes-annonces.
Image & son : Image correcte sans être renversante, on est surpris même de déceler un aspect granuleux qui n’a rien à faire dans certains plans. La précision de la définition laisse vraiment à désirer notamment lors des scènes de pluie. Quoiqu’il en soit, Blood and Bones ne constitue pas en soit un défi formel. En ce sens, cette édition somme toute acceptable remplit son rôle. Côté son, le choix est nul puisque seul une piste Dolby stéréo en japonais est disponible. Là aussi, le cahier des charges est respecté avec une clarté dans les dialogues tout à fait acceptable.
Galerie photos
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rotary 27 juillet 2005
Blood and Bones - Yōichi Sai - critique
Une utilisation plus que douteuse de la violence dans un drame psychologique
Le film brosse effectivement le portrait d’un psychotique, tyran domestique et mari terrifiant. L’absence d’épaisseur psychologique des personnages est un défaut rédhibitoire sur un tel sujet. Contrairement à ce qu’écrit Romain Le Vern, le personnage de Kitano reste indéchiffrable. Pendant la majeure partie du film, sa violence pathologique ne reçoit pas d’explication. Pire, ses victimes se voient offrir à peine plus d’humanité que des punching ball. Faire d’une femme violée de manière répétée (l’épouse de Jyombion) un vague personnage secondaire installe le film dans un voyeurisme stérile, difficilement défendable. Les actes de violence et des viols perpétrés par Jyombion deviennent de simples artifices narratifs : il faut choquer le spectateur qui aurait tendance à s’endormir devant une chronique familiale peu inspirée.
Aucune qualité formelle ne vient sauver ce projet douteux. Des erreurs de cadrages dignes d’un amateur, une lumière atroce et une bande son réduite à sa plus simple expression. Un film à éviter.
manonde 24 janvier 2006
Blood and Bones - Yōichi Sai - critique
Quel film mes aïeux !
Takeshi Kitano campe un personnage ultraviolent, jusqu’au-boutiste, cruel, sadique... bref, tous les synonymes du mot « mauvais » que voudra bien renvoyer le dictionnaire. Il incarne ce monarque absolu qui vit selon son bon plaisir de façon incroyablement habité, avec un jeu d’une rare animalité, sans craindre de se mettre à nu, dans tous les sens du terme.
Pour accompagner ce « Kitano show », la caméra de Yochi Sai, classique, construit une fresque sur un homme, donc, et sur un pays, la Corée, à travers les vicissitudes de l’Histoire.
On ressort estomaqué après avoir vu « Blood and bones », un film coup de poing qui frappe l’estomac et le cœur.
kalyste34 14 avril 2007
Blood and Bones - Yōichi Sai - critique
Quand un monstre sacré, Takeshi Kitano, incarne un sacré monstre, cela donne du sang , la fresque est violente d’un homme parti de rien pour arriver nulle part. Pendant soixante ans, Kim Shun sèmera la terreur parmi les siens. Jeune immigrant coréen au Japon, son obsession de l’argent, sa violence exacerbée le condamneront à la solitude et au rejet. Le monstrerestera fidèle à lui-même jusqu’au bout : monarque absolu d’un univers où il règne à coups de trique . Il vivra selon son bon plaisir au vu et au su de tout le monde.
Dans cette réalisation classique, Takeshi Kitano est extraordinaire dans un rôle taillé sur mesure. Brutal jusqu’à l’écoeurement, voire jusqu’à l’absurde (la scène où, foudroyé par une attaque il se frappe la jambe paralysée pour se relever et celle où, grabataire, il rassemble le peu de force qui lui reste pour tenter de battre son fils avec sa canne).
Tout violent fût-il, le personnage principal n’en est pas moins complexe : quand il « euthanasie » sa maîtresse, c’est pour éviter qu’elle souffre plus longtemps, quand sa fille meurt, il entre dans une fureur qui le conduit à la paralysie, quand sa femme meurt à son tour, il s’approche de la procession funéraire pour mieux la snober quand on vient le chercher...
Bref, « Blood and bones » est un film qui existe par et pour l’interprétation de Kitano.
Il recèle quelques lourdeurs (une musique omniprésente et larmoyante) mais il figure magistralement la force destructrice de la violence d’un homme et plus largement, d’un pays.
A voir !