Le 31 octobre 2016
L’attente fut longue, ponctuée d’incertitude quant à l’avenir de la série de Charlie Brooker, et c’est sous Netflix que Black Mirror signe son retour pour 6 épisodes, soit l’équivalent des deux premières saisons additionnées. Plus d’épisodes, plus de risques, plus de diversités... Et plus de déceptions.
- Série : Black Mirror
- Acteurs : Bryce Dallas Howard, Alice Eve, Wyatt Russell, Mackenzie Davis
- Genre : Drame, Science-fiction
- Nationalité : Américain, Britannique
- Chaîne de TV : Netflix
- Date de sortie : 21 octobre 2016
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Résumé : Une série d’anthologie qui montre le côté sombre de la vie et des technologies.
Liste des épisodes :
1 : Chute Libre
2 : Playtest
3 : Tais-toi et Danse
4 : San Junipero
5 : Tuer sans État d’Âme
6 : Haine Virtuelle
Notre avis : Avec son concept d’histoire indépendante pour chaque épisode, Black Mirror appelle forcément à une subjectivité plus importante par rapport à d’autres séries où les personnages resteraient les mêmes, l’univers aussi, où une histoire se raconteraient tout du long. Toujours autour des nouvelles technologies, actuelles, simple évolution des nôtres ou pures inventions, la série anglaise s’apparente comme une anthologie, reliée par une ligne directrice bien amincie par cette nouvelle saison. Doublant le nombre d’épisodes comparé aux deux saisons précédentes, le scénariste Charlie Brooker étend son champ de possibilités, prenant à revers l’unilatéralité d’un ton jusque là terriblement alarmant sur nos dérives actuelles, avec pour donnée inconnue l’idée de happy end, aux abonnés absents. La troisième saison saute le pas et complexifie son discours général (ce qui n’aide pas du tout à l’écriture d’une critique), avec une incursion dans la romance et dans le dénouement optimiste. Premier épisode de la deuxième moitié de saison (le quatrième pour ceux en train de compter), San Junipero se range ainsi du côté de l’exception par son histoire d’amour lesbienne entre deux « jeunes » femmes dans un monde aux propriétés temporelles déconcertantes. Habituellement froide et pragmatique, l’écriture entreprend clairement un virage empathique, privilégiant les sentiments pour dicter les actions de ses personnages. On se souvient de l’épisode Bientôt de Retour, avec Domhnall Gleeson, fonctionnant sur le même principe, et aussi de son échec à émouvoir le spectateur proportionnellement au concept tragique de l’histoire. Malheureusement, San Junipero révèle cette même difficulté, au point de remettre en question la capacité de Charlie Brooker à écrire certaines de ses histoires, imaginant des situations au potentiel extraordinaire (l’idée de voyager à travers les décennies pour retrouver une femme confine au sublime), mais bien faiblement mises en valeur, autant à l’état de scénario qu’à l’état de film (considérons les comme tel après tout).
- Copyright : Netflix
Ce San Junipero, bien malgré lui, symbolise l’épisode charnière de cette troisième saison, celui qui amorce la chute qualitative d’une nouvelle fournée partie sous les chapeaux de roues, pour se manger un mur dans les derniers virages (pas de ligne droite pour Black Mirror). Les baisses de régularités semblent inévitables dans le processus de création, les différents axes ne pouvant reposer sur des idées qualitativement équivalentes, ou même des genres similaires (appelant encore une fois à la subjectivité de chacun). Pour Tuer sans Etat d’Âme, le problème est cependant tout autre qu’une baisse de pertinence dans le concept technologique. Chose étonnante, son principal défaut réside dans son traitement bien trop tardif de ces « masques », ne révélant leur vraie nature seulement lors d’un dernier quart d’heure bouleversant. Le reste, les 45 minutes précédentes, échouent à maintenir l’attention (et la tension) par son aspect hybride mal branlé, avec son premier degré débile et ses phases FPS justifiées sans jamais s’en retrouver nerveuses, et encore moins naturelles. On peut (et on le fait) remettre en cause la mise en scène, soignée mais chiante, dans cet échec (partiel, le final améliore l’ensemble), cependant on préfère se tourner vers Charlie Brooker, qui, en choisissant d’intégrer sa scène explicative dans les dernières minutes, se place comme premier responsable du désintéressement du spectateur pour ce moyen métrage, trop aéré et bête dans sa première partie, fascinant mais expédié dans sa seconde.
Le désintéressement et l’ennui, voilà ce qui alourdit cette deuxième moitié de saison, avec un nouveau plafond atteint lors de Haine Virtuelle, soporifique épisode d’une durée interminable d’une heure et demi, sorte de thriller technologique rarement crédible dans le domaine, pourtant, de prédilection de la série.
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Dans cette rétrospective où un sentiment de déception persiste bien tristement, on repense au meilleur épisode de la saison, le premier, et, coïncidence ou fruit du hasard, le seul non-écrit par Charlie Brooker. Esthétiquement le plus abouti de la saison, Chute Libre pose son postulat dès les premières minutes et développe sa réalité tout du long des 60 minutes du film. Limpide et efficace, cette descente aux enfers pathétique déploie toutes les conséquences d’un système où les privilèges sociétaux ne se basent non plus sur la notion d’argent mais sur celle de la popularité, critique même pas déguisée (tant mieux) sur la propension des réseaux sociaux à dénaturer les relations amicales / amoureuses / professionnelles. La porte d’entrée vers un monde hypocrite étouffant toute expression honnête et libre. Enclavée dans ce système, entre profiteuse et victime, la véritable force de cet épisode provient de son héroïne principale, incarnée par la brillante Bryce Dallas Howard, qui trouve en Lacie l’un de ses meilleurs rôles, l’un des plus complexes aussi, tantôt agaçante, puis attachante, et enfin touchante dans un final magnifiquement écrit. Une piqûre de rappel que Black Mirror brille par ses acteurs dans la plupart des cas si investis et justes qu’il se dégage des différents épisodes une authenticité infaillible. Et d’autant plus terrifiante. De cette troisième saison l’on retiendra la prestation de Malachi Kirby, très touchant lors du final de Tuer sans Etat d’Âme, et celle de Wyatt Russell dans Playtest, cinglant et violent bad trip sur de possibles dérives vidéoludiques, première incursion pour Black Mirror dans l’épouvante pure et dure, l’occasion d’une réflexion effrayante sur la notion de peurs personnelles, si enfouies et traumatiques que les exploiter s’apparenterait à de l’inconscience voire du sadisme. Autre plongée cauchemardesque pour autre formidable performance, Tais-toi et Danse et son acteur principal Alex Lawther, habité par son personnage d’adolescent réservé pris dans une spirale infernale suite à un hack de sa webcam. Incontestablement le plus cruel de toute la saison, et sûrement de toute la série, au côté de La Chasse (saison 2) et de l’épisode spécial Blanc comme Neige, le show revient par cet épisode à ce caractère sans pitié et dévastateur pour le spectateur (et les personnages), avec un accroissement non négligeable dans les dernières minutes, les plus éprouvantes de cette troisième saison, sur la première marche du podium en compagnie du dernier quart d’heure de Playtest. Preuve que si Black Mirror rehausse son niveau d’ambition déjà bien élevé, déterminé à ne pas se créer de barrières ni de style définitif, il ne demeure le plus efficace et mémorable (pour l’instant) lorsqu’il s’obstine à pointer du doigt les déviances voire la folie de l’être humain face à de nouvelles technologies à double tranchant.
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