Black Hammer présente : Sherlock Frankenstein et les légions du mal - La chronique BD

Jeff Lemire continue l’exploration de l’univers Black Hammer dont le premier tome fut publié en 2015. Issu de ses carnets de croquis vieux de plus 10 ans, il possède une mine d’or de personnages et d’aventures qu’il manipule et ordonne pour constituer un hommage très personnel à l’histoire des comics dont il est désormais l’un des auteurs phares. En désormais trois tomes seulement, il est parvenu à décrire un monde immense, à en illustrer différentes couches à travers des excursions vers différents genres et à déployer plusieurs cycles parallèles ou boucles temporelles. Le tout en multipliant les hommages comme autant de façons de synthétiser les meilleures idées qu’il a croisées dans son passé de lecteur.

Pour illustrer cette trame il confie le pinceau à l’espagnol David Rubin à qui l’on devait une parenthèse colorée du second volume de Black Hammer. Ce dernier réinterprète le personnage initialement dépeint comme une goule sanguinaire et préfère s’orienter vers un dandy anglais de l’ère victorienne. L’exploration de son passé à la fin du 19e siècle et des origines de son immortalité renouent avec le sens premier de son nom : un croisement étrange de deux mythes de la littérature anglaise. Il est donc dans sa jeunesse un inventeur et enquêteur de génie dont l’invincibilité provient des expériences qu’il s’est auto prodigué afin de se sauver d’un mal incurable. Jeff Lemire ne s’interdit rien, donne libre cours à son imagination mais garde toujours à l’esprit de maintenir son univers cohérent et de placer ses aventures dans un contexte qui vient enrichir la trame principale.

En effet cette aventure est avant tout celle de Lucy Weber, la fille de Black Hammer, dont on suppose l’importance grandissante dans les tomes à venir. Le talent de l’auteur est de parvenir dans le même arc à combler un vide de son récit tout en initiant une nouvelle branche à son arbre narratif. Le récit tourne ici autour d’une enquête dans laquelle l’asile semble central. C’est l’occasion encore une fois pour les auteurs de s’en donner à cœur joie dans la création d’une panoplie de super-vilains assez géniaux dont les premiers croquis et les origines sont présentés à la fin du volume. On apprécie particulièrement "Métal Minotaure", "Mectoplasme" ou encore "Chtu-Lou" dont la fille pourrait avoir son propre cycle d’ici peu. D’autres personnages connus passent et viennent enrichir l’enquête de Lucy, à commencer par Docteur Star qui aura prochainement lui aussi droit à sa propre aventure dans un Black Hammer présente illustré par Max Fiumara.

Avec ce spin-off, qui devrait logiquement avoir sa suite, Jeff Lemire s’inspire de Stan Lee et de son univers élargi où toutes les aventures sont l’occasion d’en introduire ou enrichir une autre. Il s’inspire aussi des maisons d’édition et des sagas au long cours qui ont eu tendance avec le temps à abuser des spin-off, relaunch et autre reboot. Jeff Lemire lui ne le fait pas par cupidité ou volonté de relancer la machine, il aime l’idée de condenser les cycles de sa saga. Il a annoncé que Black Hammer aurait prochainement droit à un nouveau départ. Dès le tome trois on peut s’attendre à tout de la part de l’auteur canadien. On attend aussi beaucoup de Quantum age le troisième spin-off de la série qui se passe mille ans dans le futur et sera illustré par le talentueux Wilfredo Torres. Bref, on est parti pour entendre parler de cette saga pendant encore quelques années. On n’en demandait pas plus !