Le 16 septembre 2023
Un long métrage qui finit par bouleverser, là où on s’y attend le moins. La marque des films majeurs.
- Réalisateur : Paul Verhoeven
- Acteurs : Sebastian Koch, Carice van Houten, Thom Hoffman, Waldemar Kobus, Derek de Lint, Halina Reijn, Christian Berkel, Wimie Wilhelm
- Genre : Drame, Film de guerre
- Nationalité : Britannique, Allemand, Belge, Néerlandais
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 2h25mn
- Date télé : 30 octobre 2023 22:45
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 29 novembre 2006
- Festival : Festival de Venise 2006
Résumé : Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les Pays-Bas occupés et sur le point d’être libérés par les Alliés, une jeune femme juive rejoint la Résistance malgré elle, au milieu du chaos : fuites, collaborations, trahisons, double-jeu, coups de théâtre et rebondissements... Que contient le petit livre noir ?
Critique : Sensiblement, las des anicroches sur son précédent Hollow Man, où il ne pouvait pas aller jusqu’au bout de son sujet anti-hollywoodien (un homme invisible profite de son don pour faire ce que la morale réprouve), Paul Verhoeven, qui porte définitivement bien son surnom de Hollandais violent, est retourné sur ses terres natales, pour faire un doigt d’honneur à la censure et au puritanisme américain. Bien lui en a pris. Il délivre ce qu’on n’attendait plus de lui à soixante-huit ans (respect absolu) : une sorte de film fleuve admirable de fluidité qui, à travers des amitiés paradoxales et de liaisons tumultueuses, ausculte en pleine Seconde Guerre mondiale l’hypocrisie humaine, l’attentisme couard, et délivre par le bout de sa lorgnette un portrait peu clean de deux camps opposés en période trouble.
Le récit s’étend sur plus de deux heures et à aucun moment, l’intensité ne décroît. De la première (retrouvailles émouvantes entre deux femmes qui ont vécu la guerre ensemble et se sont perdues de vue) à la dernière image (plan final marquant et actuel), Verhoeven dévoile tous les secrets de son livre sombre et charrie différents sentiments, en ayant la politesse de ne pas juger ses personnages, encore moins de les ranger dans des carcans ridicules. Ce récit, d’autant plus édifiant qu’il est inspiré d’une histoire vraie, permet au cinéaste de revisiter un pan de l’histoire de son pays, tout en l’égratignant méchamment comme à la bonne époque de Soldier of Orange, autre opus issu de sa période néerlandaise. Bien entendu, ce n’est pas la seule allusion au passé du cinéaste : Rachel Steinn (Carice Van Houten, une révélation à la fois suave, sensuelle et farouchement résignée), qui use de son charme pour parvenir à ses fins, renvoie à Katie Tippel et son homologue américain Showgirls, tandis que la liberté sexuelle qui s’y exprime évoque le naturalisme décomplexé de Turkish Delight. N’ayant plus besoin de suggérer ses idées en simulant les codes de genres précis (souvenez-vous de Starship Troopers et son portrait d’une Amérique belliciste ou encore Showgirls et son Las Vegas dégoulinant le sexe sans âme), l’artiste, plus hargneux que jamais, enregistre tous les éléments - même ceux qui peuvent paraître les plus improbables, alors que l’époque et le contexte favorisent ces successions d’événements atroces - avec une légèreté d’orfèvre, sans pour autant les réduire à l’anecdotique.
Qu’il filme une histoire d’amour impossible et déchirante entre deux personnages (le général nazi et la résistante juive), qui n’auraient jamais pensé éprouver des choses aussi fortes l’un pour l’autre, tant leur revendication et leur haine auraient dû les séparer, ou qu’il mette l’un à côté de l’autre la même résistante et le responsable nazi de la mort de sa famille, dans un numéro musical volatile, Verhoeven fait danser le bien et le mal, pour renverser les notions bassement manichéennes dans une valse équivoque, tragique, grotesque, qui traque les faux-semblants et tord le cou aux préjugés. Ici, la guerre est réduite à un théâtre de l’absurde, pour mieux disséquer la pourriture humaine dans ses ultimes retranchements. A la facilité et au consensus mou, le réalisateur répond par l’ambiguïté moite, l’indécision sentimentalo-morale, l’imprévu de la vie. Et finit ainsi par bouleverser, là où on s’y attend le moins. La marque des films majeurs.
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harry carasso 30 novembre 2006
Black Book - Paul Verhoeven - critique
Bravo, M. Le Vern, d’accord avec vous à 100%% en ce qui concerne BLACK BOOK.J’ai rarement vu un film aussi "plein"
Sauf lorsque vous qualifiez le plan final d’actuel et évocateur. M. Verhaegen vous a annoncé la couleur dès le début du film : un sous-titre indiquant la date d’Octobre 1956. Les soldats israéliens qu’on voit évoluant sur le plan final ne se massent pas devant les miradors du "Mur", mais se rassemblent pour foncer vers le canal de Suez, en accord avec la France et la Grande Bretagne. Ce qui veut dire que le bazar a recommencé, onze ans après la "Libération".
J’y étais, en 1956.
Seconde et denière remarque, il est amusant de voir Carice Van Houten -extraordinaire - sucer par deux fois du chocolat. Vous savez ce qu’évoque le nom de Van Houten ? la poudre de cacao, précisément... Voulu ou pas, je n’en sais rien mais je le signale.
harry carasso
giridhar 30 juillet 2007
Black Book - Paul Verhoeven - critique
Au premier abord, le sujet évoque "Une lueur dans la nuit" de David Seltzer. Mais toute ressemblance entre les deux films disparaît très rapidement, tant l’oeuvre de Paul Verhoeven renvoie celle de son confrère au rang de petite bluette superficielle. On ne sait trop quelle qualité porter au pinacle, tant l’équilibre et la transcendance se manifestent dans tous les aspects de la création. A travers le destin hors normes d’une femme ordinaire, l’histoire visite, avec une inspiration emplie de gravité et d’émotion authentique, la barbarie nazie, la rédemption par l’amour, la bassesse humaine, le double-jeu, l’interpénétration permanente de l’ombre et de la lumière, le miroir des apparences, et tout cela dans une construction dramatique haletante, excitante, bouleversante de la première à la dernière minute. L’oeuvre n’est pas tour à tour un film d’espionnage, de guerre, de passion, de suspense, de tragédie humaine. Elle intègre à chaque instant toutes ces composantes à la fois, portées, qui plus est, par des acteurs peu connus, qui donnent une crédibilité totale à ces événements inspirés de faits réels. Grâce à un jeu d’une subtilité rare, Carice van Houten habite son personnage avec une intensité permanente, tout en se montrant d’une sobriété extrême. Délaissant les mutants futuristes de l’excellent thriller "Total Recall" et les bestiasses ridicules de "Starship Troopers", Verhoeven nous offre une fresque troublante, sauvage, mais profondément humaine de l’une des périodes les plus sombres de l’histoire. Inoubliable.
Voir en ligne : Un Livre noir inoubliable...
Norman06 22 avril 2009
Black Book - Paul Verhoeven - critique
Un nanar de première grandeur, excessivement loué par une certaine critique aveugle dans sa politique des auteurs. Scénario incohérent malgré l’alibi du "d’après une histoire vraie", musique qui surligne l’action, coups de théâtre frisant le ridicule. Un ratage dans la carrière d’un bon cinéaste.