Beyond Clueless, a Teen Movie - la critique du film + le Test DVD

© Les Films du Camélia

Notre avis : Fort de sa notoriété de critique pour le blog cinéma Ultra Culture ainsi que pour The Guardian, Charlie Lyne s’attaque à son premier long-métrage documentaire portant sur le teen movie américain. A la fois drôle et original, le choix d’un tel sujet, souvent déconsidéré, reflète la volonté du réalisateur de réévaluer l’importance de ces films au sein de la culture populaire. Genre typiquement américain dont la popularité s’est rapidement étendue au monde entier, le teen movie a renvoyé une certaine image de l’adolescence à toute une génération. Ces films qui respirent l’éphémère – l’adolescence ne dure qu’un temps – et que l’on pense vite oublier après les avoir vus se révèlent en fin de compte particulièrement marquants, autant dans les angoisses adolescentes qu’ils expriment que dans les représentations qu’ils impriment dans les esprits. C’est précisément pour mettre au jour ces dernières que Charlie Lyne s’est replongé dans près de 200 teen movies sortis entre les années 1990 et le début des années 2000, période faste de ce genre qui fut l’agent de la véritable reconnaissance d’une culture adolescente. © Les Films du Camélia
De Richard Linklater - dont l’un des films, Slacker, est devenu un classique du genre - aux teen movies d’horreur type Destination finale, tous les lieux communs du teen movie sont passés au crible : l’arrivée au lycée, dont le parking est toujours encombré de ces bus scolaires jaunes reconnaissables entre tous, la cafétéria où les jeunes se regroupent par clans et affinités, établissant une hiérarchie impitoyable, les soirées arrosées dans la maison parentale, les premières amours jusqu’aux premiers rapports sexuels, ou encore le bal de fin d’année, où tout semble possible mais où tout finit toujours de la même manière. Le montage, réalisé par Charlie Lyne et exclusivement composé d’extraits de films, donne à première vue l’impression d’assister à un unique film dans lequel les séquences se répètent inlassablement. Le talent de Charlie Lyne est ici de faire ressortir peu à peu les différences entre chaque film et de faire ainsi apparaître des motifs dans le chaos de ce patchwork cinématographique. © Les Films du Camélia
Ponctué par les commentaires en voix off de Fairuza Balk, actrice iconique du genre ayant joué dans Dangereuse alliance ou encore Presque célèbre, le documentaire ne manque pas d’humour et jongle entre distance ironique et regard affectueux sur ces films, que l’on sent chers au réalisateur. Au-delà du regard rétrospectif, Charlie Lyne propose une réelle redécouverte du teen movie qui renvoie également le spectateur à ses propres expériences de ce cinéma. Beyond Clueless s’adresse dans cette mesure aussi bien aux amateurs du genre qu’au public cinéphile désireux de comprendre la capacité du cinéma à puiser dans la culture populaire pour exprimer les inquiétudes d’une jeunesse à la recherche de son identité et de sa place dans la société.
Divisé en plusieurs chapitres et un épilogue, Beyond Clueless souligne la dimension initiatique inhérente au teen movie et les thèmes irriguant le genre, entre incertitudes de l’identité, confrontation à la sexualité et à la violence, dilemmes face à la marginalité ou la normalisation et désirs paradoxaux. On peut toutefois regretter que le texte de la voix off n’aille pas plus loin dans l’analyse des films qui sont proposés. Bien que citant de véritables chef d’œuvres du genre tels que The Virgin Suicides ou Elephant, le réalisateur ne s’y attarde pas, laissant le spectateur sur sa faim mais réaffirmant sa tendance pour le versant populaire du teen movie, que l’on distingue alors d’un veine plus indépendante. La narration tient ainsi parfois plus à un résumé du film qu’à une véritable analyse mettant en perspective les paradoxes présents dans les teen movies. L’on observe également une petite faiblesse de construction dans l’enchaînement des deux derniers chapitres, où l’on passe du traitement de la sexualité et de la violence à une « mise au pas » des adolescents déjà abordée par le réalisateur. Le manque de problématisation et de mise en rapport avec ce qui avait été dit auparavant sur la question de l’identité font apparaître cette dernière partie comme une redite d’un précédent chapitre. © Les Films du Camélia
La musique originale de Summer Camp va par ailleurs comme un gant au thème et aux images, à la fois légère mais teintée de touches sombres, participant à l’immersion du spectateur dans cet univers si particulier du teen movie, où l’artificialité apparente laisse parfois survenir quelques accents de vérité. Le spectateur s’apercevra avec amusement que ces films pour adolescents ont aussi représenté une épreuve du feu pour bon nombre d’acteurs américains aujourd’hui reconnus pour leur travail et leur talent, comme Rachel McAdams, Jake Gyllenhaal ou encore Heath Ledger. Premier long-métrage documentaire du jeune réalisateur, Beyond Clueless pourrait être considéré comme une étape initiatique pour Charlie Lyne. Lyne signe ici un documentaire passionnant sur un genre cinématographique peu souvent pris au sérieux, mais qui exprime bien la capacité du cinéma à refléter et poser un regard critique sur les préoccupations de son époque.

Le DVD

Belle édition digipack d’un documentaire essentiel pour les fanatiques du teen-movie des années 90-2000, aperçu en salle par 3.600 spectateurs. Au rattrapage !

Les suppléments :

Interview du réalisateur qui semble avoir l’âge des idoles de ses films. Il revient notamment sur ses choix et comment les réalisateurs de teen movies cultes ont perçus sa démarche. Quelques extraits de Ciné-Concert du Summer Camp, et c’est un livret d’une vingtaine de pages, avec une filmographie sélective des teen movies cultes. Pas mal.

L’image :

Patchwork d’images de films de différentes époques, pour la plupart restaurés dans une définition fine, la copie passe haut la main.

Le son :

En raison du projet (des commentaires en voix-off sur une succession d’extraits de films divers) et de son budget, pas besoin d’un 5.1, le cinéaste a officié en stéréo. Et la petitesse de la sortie et son caractère indubitablement "indoublable", impose une piste unique : la VOSTF. Dommage qu’il n’y ait pas de sous-titres en anglais.