Le 10 janvier 2014
Deuxième long-métrage de Martin Scorsese, Bertha Boxcar, dans sa sobriété, promettait un bel avenir au cinéaste. Retour sur le film.


- Réalisateur : Martin Scorsese
- Acteurs : Barbara Hershey, David Carradine, John Carradine, Victor Argo, Barry Primus, Bernie Casey
- Genre : Drame, Thriller, Road movie
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h28mn
- Date télé : 31 juillet 2023 12:10
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 18 décembre 2013
- Titre original : Boxcar Bertha
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 3 octobre 1973

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Résumé : Pendant la Grande Dépression, dans l’Arkansas, Bertha Thompson, une jeune fille, assiste à la mort accidentelle de son père, provoquée par un employeur tyrannique. Seule, sans toit ni travail, elle se retrouve sur les routes et utilise les wagons des trains de marchandises pour se déplacer (d’où son futur surnom de "Boxcar Bertha", Fourgon à bestiaux). Elle fait la connaissance de Bill Shelly, un syndicaliste qui va lui transmettre sa révolte. Tous deux deviennent des pilleurs de trains confirmés.
Critique : Les producteurs sont souvent impitoyables. Mais l’aventure de ce deuxième long-métrage aura au moins appris à Martin Scorsese, alors âgé d’une trentaine d’années, ce qu’est vraiment la compromission artistique. Alors que Joseph Brenner impose à Scorsese d’intercaler des scènes de nus dans son premier film, Who’s That Knocking at my Door, Roger Corman, lui, spécialiste du film à petit budget, intime le même ordre au jeune réalisateur. Scorsese est libre de réécrire tout ce qu’il souhaite, à condition que le scénario comporte du nu toutes les quinze pages ! À croire que, déjà à l’époque, le scénario importe si peu en comparaison de la force des images pour attirer le chaland. Le réalisateur n’est pourtant pas frileux à l’idée de Corman. Et finalement, la concession permettra à Scorsese de servir peut-être plus amplement son scénario.
- © 1972 International Paramount Pictures. All rights reserved.
Situé pendant la Grande Dépression, Bertha Boxcar dépeint, sous forme de road movie, l’amour déchiré et le voyage sinueux d’une jeune femme en quête de liberté, et d’un syndicaliste anarchiste. Bien entendu, placé dans le contexte historique (le début des années 70), on y voit aujourd’hui une revendication des libertés de l’Homme, et de son souhait de se détacher de toutes formes d’entraves (ici politiques, religieuses et morales). Bertha Boxcar est en quelque sorte une invitation ouverte, dans la vague du temps, à la révolte contre l’autorité, et dont l’agitation collective en masse fascine encore aujourd’hui le cinéaste, quarante ans après. Bien qu’assez sobre, la mise en scène de Scorsese reflète son application et son amour brûlant pour la confection cinématographique, et surprend par moment par des pics d’intensité émotionnelle et plastique. La métaphore filmique de la quête d’indépendance est poussée jusque dans un final saisissant, extrêmement violent pour l’époque, toujours dérangeant aujourd’hui, et qui finalement vous prend encore aux tripes, des décennies plus tard.
Emmené par le brillant David Carradine et la non moins talentueuse Barbara Hershey, Bertha Boxcar se veut libre, certainement moulé dans le mouvement hippie (la bande originale participe allègrement à cette impression), et fait parfois écho à Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, modèle de la contre-culture américaine. Certes, ce n’est pas un film majeur dans la filmographie de Scorsese – on a même tendance à l’éclipser – mais il n’en demeure pas moins un bel exercice de réalisation, d’insolence cinématographique, voire de rébellion, bon à remettre dans son contexte historique et artistique. Nul doute qu’à la sortie du film, en 1973, on attendait déjà beaucoup de ce jeune réalisateur prometteur, bourré d’idées et de talent, et qui n’hésitait pas à mettre de sa personne dans ses propres créations. Ne cherchez pas en Bertha Boxcar une fausse note de la filmographie de Scorsese : il n’y en a pas.