Le 29 juin 2021
Une odyssée baroque et exaltée sur les bas-fonds de la pègre allemande, mais dont le formalisme cinématographique épuise le récit dans la surenchère et l’exaspération.
- Réalisateur : Burhan Qurbani
- Acteurs : Joachim Krol, Jella Haase, Albrecht Schuch, Welket Bungué
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Néerlandais
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 3h03mn
- Date de sortie : 11 août 2021
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Résumé : Berlin, aujourd’hui. Francis, 30 ans, est un réfugié de Guinée-Bissau qui se retrouve dans la capitale allemande après avoir traversé illégalement la Méditerranée sur un bateau. Seul survivant du voyage, il se rend vite compte que gagner sa vie honnêtement en tant que réfugié apatride sans papiers est pratiquement impossible. Francis s’efforce d’abord de rester sur la bonne voie, même après avoir rencontré le trafiquant de drogue allemand Reinhold, et Francis se retrouve ainsi aspiré dans le monde souterrain de Berlin.
Critique : La première séquence censée raconter la traversée terrible de la mer par un migrant africain, Francis, annonce déjà tout le reste du film : une succession de scènes où le symbolisme et l’hyperbole dominent. En fait, si Berlin Alexanderplatz tente de réécrire, après Fassbinder, le fameux ouvrage quasi autobiographique d’Albert Döblin (plus de neuf livres quand même), ouvrage d’ailleurs dont le cinéaste Burhan Qurbani confie qu’il le déteste autant qu’il l’aime, le long-métrage s’égare dans un roman-fleuve immense, pétri de métaphores et d’effets cinématographiques continuels. L’exercice est risqué. Le spectateur moderne cherche souvent une efficacité narrative, étant lui-même pris dans le rythme de la vie. Or, quand le générique annonce cinq parties, le découragement n’est pas loin. Et il s’accroît pendant ces trois longues heures, assez éprouvantes du fait de la violence du propos et de l’exagération formelle du film.
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Pourtant, le long-métrage est mené de main de maître par les deux comédiens principaux, Welket Bunghé et Albrecht Schuch. La plupart des femmes, en revanche, sont présentées comme des personnages annexes, souvent caricaturaux, et peu déterminants dans le destin des deux hommes. Évidemment, la mise en scène joue très bien sur l’ambiguïté relationnelle entre le cruel Reinhold et le non moins troublant Francis ou Franz. On perçoit entre eux quelque chose qui évolue entre la manipulation, la violence et le désir refoulé. Le cinéaste ne va pas au bout de l’attractivité des deux hommes, ce qui est une excellente idée, laissant au spectateur le soin de faire sa propre analyse. Le plus gênant demeure la manière dont les femmes sont réduites à de stricts objets sexuels, ou sont instrumentalisées dans le rapport de domination qui lie les deux hommes. De même, la violence qu’elles subissent est particulièrement affligeante face à la toute-puissance psychopathique de Reinhold et la lâcheté de Francis.
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Le souci principal demeure la texture très moraliste du film. En permanence, le récit est émaillé par une tension culpabilisatrice pour le héros, tiraillé entre son aspiration à s’émanciper socialement et son souhait de devenir un homme de bien. Ce tiraillement est très présent dans le livre de Döblin, qui date de 1929. Aujourd’hui, l’écueil d’une tentation moralisante aurait pu être évité. Certes, en jouant sur les couleurs, les costumes, le cinéaste fait implicitement référence à l’époque où le livre a été publié : quelques années plus tard, le national socialisme accédait au pouvoir. Burhan Qurbani a peut-être l’ambition de faire trembler le spectateur contemporain, dans un contexte narratif où l’insécurité domine, où les femmes sont victimes de maltraitances insupportables et la justice comme la loi sont absentes. Le long-métrage met en scène une explosion de la violence sur un mode quasi hystérique, à la limite de l’écœurement.
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Berlin Alexanderplatz ne manque pas d’inventivité. Il est difficile de nier le talent de Burhan Qurbani qui défend une esthétique de l’image absolument personnelle. On n’est pas loin d’un cinéma ultra survolté de Krzysztof Kieślowski ou, plus proche de nous, de Gaspar Noé. Mais à vouloir trop montrer, trop dire, le long-métrage passe à côté de son objectif.
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