Le 26 septembre 2018
Ce documentaire habilement construit n’a rien d’une hagiographie mais se penche sur une personnalité complexe avec talent.
- Réalisateur : Jane Magnusson
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Suédois
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h56mn
- Titre original : Bergman - ett år, ett liv
- Date de sortie : 26 septembre 2018
- Festival : Festival de Cannes 2018
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Résumé : En 1957, à l’aube de ses quarante ans, Ingmar Bergman entre dans une période de créativité sans précédent. Cette année-là, il tourne pas moins de trois films, met en scène quatre pièces de théâtre et conjugue travail acharné avec vie de famille tumultueuse…
Notre avis : Bergman aurait cent ans en 2018. Pour les cinéphiles d’aujourd’hui, il est difficile d’imaginer à quel point leurs aînés attendaient chacun de ses films comme un événement inouï, guettant sa sortie et se ruant dans les salles toutes affaires cessantes. Il y a peu de créateurs qui ont autant compté, autant suscité aussi des querelles et des problèmes avec la censure, son image consensuelle étant une reconstitution contemporaine et inexacte. Sa soif de reconnaissance, assouvie dans ses vieux jours, ne doit pas masquer ses audaces et le côté scandaleux que des œuvres comme Monika ou Persona conservent encore.
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Faire un documentaire sur Bergman, c’est risquer de participer à l’embaumement que les années accordent aux artistes, ou au contraire vouloir déboulonner une statue pour se sentir transgressif ; Jane Magnusson évite ces deux écueils en traçant un portrait complexe, certes pas très sympathique, sans jamais s’enfermer dans une vision univoque. Que le cinéaste ait été manipulateur, infidèle, égocentrique, jaloux, tyrannique, cela, au vu des nombreux témoignages parfois amers, ne fait aucun doute. Sa fascination pour le nazisme (dont il avait parlé) ou son désintérêt pour ses propres enfants, dont il avouait ignorer l’âge, ne redorent pas non plus son blason. Mais peut-être, et c’est au fond la thèse du film, est-ce le prix à payer, avec le splendide isolement de la fin, pour atteindre au génie. Si le documentaire n’évite pas le cliché du créateur névrosé mettant en scène sa vie, au moins l’appuie-t-il sur un puzzle patient et retors, qui mène de l’indignation à la compassion en quelques minutes.
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Mais la grande réussite du métrage est sa composition à partir d’une année charnière, 1957, au cours de laquelle il réalisa deux films, un téléfilm, mit en scène quatre pièces de théâtre et en créa une à la radio. Ce fil rouge chronologique mène à une composition savante qui entremêle extraits de films, archives et témoignages pour tenter de percer l’énigme d’un forçat du travail et amoureux instable. On glisse ainsi de l’anecdotique (son goût des biscuits) à l’essentiel (son père rigoriste, sa jalousie, tout ce qui a nourri une thématique obsessionnelle) au fil d’un assemblage savant. Mais, on s’en doute, l’énigme résiste : on n’explique pas une œuvre par l’autobiographie, Proust l’a dit il y a fort longtemps, ni par des correspondances, fussent-elles astucieuses. Toujours échappe une part secrète, irréductible à des explications, et que pourtant tel extrait du Septième Sceau ou de Fanny et Alexandre suffit à laisser entrevoir. Comme tout grand auteur, Bergman est d’abord et avant tout dans sa création, que le documentaire donne évidemment envie de voir et de revoir sans se lasser. Mais en lui-même, il constitue une fascinante plongée dans une vie dédiée à l’art, tumultueuse et insondable. Et, pour les admirateurs contrariés par les aspects négatifs d’un tel personnage, le plan de Liv Ullmann en larmes, ou le rire final suffiront à se convaincre que Bergman, malgré tous ses défauts et avec son génie, était, ses films en attestent, intensément humain.
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