Bends - la critique du film

Premier long-métrage de la réalisatrice hongkongaise Flora Lau, Bends présente la double trajectoire de deux personnages entre Hong-Kong et la Chine continentale. Une tentative qui se démarque par une production élégante et méticuleuse, une direction d’acteur solide, mais qui pèche par une intrigue dont les apparences de peinture sociale se révèlent finalement dérisoires. Sélection Un certain regard – Festival de Cannes 2015.

L’argument : Cette histoire se déroule entre Hong Kong et Shenzhen en Chine continentale. Anna mène la vie d’une épouse hongkongaise fortunée, pratique le tango et fréquente les salons de thé. Mais, chaque jour, elle sauve surtout les apparences d’une richesse qui s’envole. Fai, son chauffeur, réside à Shenzhen. Ting, sa femme, attend un second enfant. Afin d’éviter la lourde amende imposée par la « Loi de l’Enfant Unique », le couple lutte pour qu’il naisse à Hong Kong. Un même monde, une ligne a priori infranchissable. Le moment venu, c’est dans l’espace d’une voiture que se redessinera le destin de chacun. © Droits réservés

Notre avis : Entourée par une équipe expérimentée dont le talent a été prouvé depuis plusieurs décennies, la réalisatrice hongkongaise Flora Lau propose avec Bends son premier long-métrage. Carina Lau, pilier de la deuxième Nouvelle vague hongkongaise, donne un visage à Anna, livrant une interprétation sensible et nuancée du personnage. Autre patron du film, Christopher Doyle, collaborateur iconique de Wong Kar-wai ayant également travaillé avec Gus Van Sant ou encore Stanley Kwan, signe l’image du film et lui attribue son atmosphère feutrée et ses couleurs froides. Dernière collaboration notable, William Chang – monteur sur tous les films de Wong Kar-wai et chef-costumier sur The Grandmaster – endosse ici le rôle de directeur artistique. Bends s’avère ainsi être une production soignée et cohérente menée d’une main sûre par Flora Lau, également scénariste du film, qui présente un scénario original mettant en parallèle deux parcours n’ayant a priori rien en commun. © Droits réservés
Anna, épouse d’un riche homme d’affaire, évolue avec aise dans son monde privilégié jusqu’à ce qu’elle doive faire face, dans une solitude inexorable et un silence étouffant, à la perte brutale de sa fortune et de son mode de vie. Son chauffeur et dernier employé, Fai, doit quant à lui trouver les moyens financiers pour permettre à sa femme d’accoucher de leur second enfant à Hong-Kong. Une intrigue simple dont l’entière originalité réside dans le traitement, elliptique et plutôt implicite, qui permet aux acteurs de déployer un jeu riche en détails. Derrière l’esquisse de portrait de société entreprise par le film, finalement anodine, se dessine en creux, et de manière plus intrigante, une véritable réflexion sur l’importance de l’objet ainsi que son influence sur l’individu et les actions qu’il entreprend. © Droits réservés
Cela se retrouve dans la pratique du Feng Shui par Anna, qui réagence les meubles de son appartement dans l’espoir que sa situation s’améliore et qui commence à porter des vêtements violets dans un mouvement superstitieux faisant écho à son impuissance. Mais cette pensée du matérialisme se retrouve principalement dans la relation d’Anna et Fai à la fameuse voiture, qui pourrait même être considérée comme un troisième personnage. Outil de travail et source de revenus pour l’un, objet permettant de maintenir des apparences de luxe pour l’autre, la voiture devient également espace de sécurité, un îlot de stabilité et de calme contrastant avec un monde extérieur qui s’écroule. C’est également au sein de cet espace que se nouent des liens entre Anna et Fai, dont la relation évolue de relation professionnelle stricte à un rapport moins hiérarchique, habité par une estimé mutuelle. Le véhicule de transport permet en fin de compte à Fai et Anna de passer chacun à une autre étape de leur vie. Une telle approche de l’objet a toutefois ses travers, que l’on remarque lorsque l’importance grandissante de la voiture en fait un réel fétiche à l’image, qui revêt alors des similitudes dérangeantes et malvenues avec les publicités automobiles.
En dépit de la qualité de sa production et des performances de ses acteurs, il manque au long-métrage de Flora Lau l’étincelle nécessaire à animer le film et emporter le spectateur. Sont toutefois en germes dans Bends des thématiques sociales et artistiques que l’on aimerait sans aucun doute voir développées par la réalisatrice dans ses projets futurs.

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