Le 18 mars 2012
Bellflower sortira le 21 mars, l’occasion pour Evan Glodell de couper le cordon, puisqu’il en est le réalisateur, l’auteur, le gourou, le technicien, le monteur et l’interprète. Rencontre avec un couteau suisse californien enfin prêt à détacher les yeux de la couveuse pour parler de sa créature.
- Réalisateur : Evan Glodell
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Bellflower sortira le 21 mars, l’occasion pour Evan Glodell de couper le cordon, puisqu’il en est le réalisateur, l’auteur, le gourou, le technicien, le monteur et l’interprète. Rencontre avec un couteau suisse californien enfin prêt à détacher les yeux de la couveuse pour parler de sa créature.
aVoir - aLire : Bellflower est un film autobiographique…
Evan Glodell : Oui, l’idée du film est basée sur une histoire personnelle. Enfin disons qu’il s’en inspire, sans être le reflet exact de cette relation.
aV – aL : Le script a longtemps dormi dans votre tiroir. Etait ce avant tout pour traiter le sujet avec une vraie distance émotionnelle ? Ou plutôt pour apprendre à le filmer correctement ?<br<
EG : Un peu des deux en fait. Juste après avoir fini la première version du script, je cherchais déjà à le tourner avec une petite caméra, sans micro, sans lumières…j’ai vite compris que je n’étais pas prêt. J’ai donc arrêté pour me consacrer à d’autres courts-métrages, espérant que je trouverais un moyen de le financer. Mais, après toutes ces années de frustration technique, je me suis rendu compte en réécrivant ce script que j’avais effectivement eu besoin de temps pour grandir un peu et analyser froidement ce qui s’était vraiment passé.
aV – aL : Vous avez donc modifié le scénario avant de le tourner ? Il y a un vrai contraste entre la maturité de la mise en scène et le côté assez primal du récit.
EG : Oui c’était assez bizarre de récréer ma vie de jeune adulte. J’avais du mal à croire que je remettais les pieds, même à travers la fiction, dans ces fêtes débiles et leurs bastons d’ivrognes…mais je voulais que le film soit le plus honnête possible, qu’il ne soit pas biaisé par mon jugement d’ado.
aV – aL : Une partie de la critique parle de Bellflower comme d’un film de « muscle car », directement influencé par Mad Max, une autre se focalise sur l’histoire d’amour. J’y vois pour ma part une variation sur le thème de l’imaginaire et le deuil de l’enfance. Qu’en pensez-vous ?
EG : Oui j’ai beaucoup entendu ça. Et je vois effectivement toutes ces choses dans le film, ça parle bien sur de cette période ou les mômes deviennent des hommes et se détournent de leurs jouets pour s’intéresser principalement au sexe opposé. Mais enfin je me paume parfois, parce qu’il y a tellement de façons de voir le film…en tout cas je suis sur qu’il ne s’agit pas d’un film de « muscle cars » et de lance-flammes. D’ailleurs il y a un phénomène étrange aux Etats-Unis en ce moment, quand les gens qui ont aimé le film veulent inciter leurs amis à le voir, ils racontent d’abord que c’est une histoire d’amour et d’amitié, ou un truc sur l’adieu à l’enfance…donc on leur répond souvent que c’est inintéressant. C’est là qu’ils sortent l’argument « muscle cars », qui marche à tous les coups ( rires). Donc, pour répondre à votre question, même les gens qui ont vendu le film de cette façon savaient très bien de quoi il s’agissait réellement.
aV – aL : C’est vrai que les meilleurs moments du film sont ceux qui se focalisent sur la relation de ces deux ados attardés, à la fois très nostalgique et résignée…
EG : Et bien j’y pensais cette semaine, en me demandant si le sujet principal du film était cette amitié initiale ou l’histoire d’amour qui vient la bouleverser. Mais je ne peux vraiment pas trancher…pour moi le film a vraiment deux têtes.
aV – aL : Disons que, dans le film, la façon de traiter le sujet principal, quel qu’il soit, a presque plus d’importance que le sujet lui même. Je pense bien sur à tout ce travail sur le surgissement du fantastique dans le quotidien…
EG : Oui je pense que traiter une histoire de façon hyper-réaliste n’est pas le meilleur moyen de la faire ressentir au public, surtout au cinéma. Je voulais vraiment transmettre l’intensité des représentations mentales que mon histoire impliquait.
aV – aL : On accuse beaucoup le cinéma et les jeux vidéo de corrompre la jeunesse, notamment par la violence qu’ils donnent à voir. Votre film montre, à mon sens, qu’une violence fantasmée est peut-être nécessaire ?
EG : Oui, je pense que vous faites référence à la dernière partie du film. J’avais en fait assez peur d’être jugé là-dessus à sa sortie, qu’on me montre du doigt en disant « la violence c’est mal, tu devrais avoir honte » alors que j’essaie juste d’être le plus sincère possible, en ne cachant rien de ce qui se passait dans ma tête à ce moment là, cette succession d’images brutales. La plupart des gens vivent un temps avec ce genre de fantasmes puis les refoulent, sans jamais en parler. Je ne trouve pas ça extrêmement sain. Mais pour en revenir à la question de la violence au cinéma ou dans les jeux-vidéo, c’est effectivement un débat stupide, il ne s’agit que de représentations intérieures. Je ne crois pas qu’un film puisse être la véritable origine du basculement de quelqu’un, ou qu’un jeu puisse le pousser à franchir la limite après laquelle on commence à découper les autres en morceaux (rires).
aV – aL : Le film accorde une certaine importance à la notion d’espace. Le quasi huis-clos est-il une façon de montrer l’absence de perspectives des personnages ?
EG : Je ne l’aurais pas dit comme ça. Mais oui j’ai essayé de parler du cloisonnement, et de la façon dont les gens s’aveuglent mutuellement, notamment en vivant en vase clos. Quand soudainement on vous précipite hors de cette zone de confort, vous vous demandez comment vous avez pu vivre jusque là en ignorant le reste du monde. C’est un peu l’effet que produit l’explosion de la micro-société du film.
aV – aL : La construction de votre propre caméra était-elle un passage obligé ? Vous ne pouviez pas obtenir le même résultat en post-production, ou avec des caméras traditionnelles ?
EG : Et bien en fait le processus de mise en forme de Bellflower a été très long, et très lent. Je « pirate » les caméras depuis mes premiers courts-métrages, en jouant notamment avec les optiques, et je me suis donc construit mon propre outil, ainsi qu’une petite collection d’humeurs visuelles assez irréalistes que j’aime profondément. C’est quelque chose de très instinctif. Le résultat final n’aurait vraiment pas été le même en jouant uniquement sur des effets de post-prod. Similaire peut-être, mais pas fidèle à ma vision des choses. D’ailleurs on utilisera tous les outils que j’ai fabriqués sur mes prochains films.
aV – aL : Bellflower est un film très formaliste, quelles sont vos influences visuelles ?
EG : Je suis totalement incapable de répondre à cette question (rires). Je ne dis pas que je n’ai pas d’influences, mais je ne peux pas dire consciemment de quels films précis je me suis inspiré…parfois les critiques font des liens entre mon travail et des œuvres que je n’ai même pas vues ! (rires)
aV – aL : Parlons plutôt de goûts alors…
EG : Ah c’est différent ! je devrais vraiment faire une liste (rires). Et bien puisqu’on est à Paris, Gaspard Noé est un réalisateur que j’aime beaucoup. J’adorerais le rencontrer d’ailleurs. Mais je suis aussi très fan de gens comme Wes Anderson ou Lars Von Trier.
aV – aL : Et bien voilà des influences ! Uniquement des réalisateurs obsédés par la forme !
EG : Oui ! Leurs films ont des ambiances uniques…
aV – aL : Par certains aspects, le style hyper-filtré et saturé de Bellflower évoque la mode des applications photo pour smartphones, vous n’avez pas peur qu’on puisse vous accuser d’opportunisme ?
EG : Oui, j’ai beaucoup lu ça : « oh maintenant les hipsters font des films avec leurs hipstamatics » ( rires). Mais ce qui est marrant, c’est que le film a été tourné en 2008, et ce genre d’applications n’existaient même pas. En tout cas elles n’étaient pas branchées du tout. Je comprends qu’on dise ça mais encore une fois…2008 ! (rires)
aV - aL : En voyant le film, on a l’impression que vous avez beaucoup tourné, puis bataillé au montage…
EG : Oui et non, la majorité des images sont très proches du script. J’ai eu, par contre, beaucoup de mal avec la dernière partie du film, puisque nous n’avions plus les moyens de tourner certaines scènes censées la composer. Notamment parce que la voiture est tombée en panne. Il faut savoir que nous avons shooté le film pendant trois ans ! Mais cela dit, si j’ai beaucoup cogité pour trouver le montage idéal, la plus grande part des scènes coupées l’ont été dans la première moitié du film. C’est un très long processus, qui m’a rendu presque fou.
aV – aL : Vous avez écrit, réalisé, monté le film et joué dedans. Vous devez être crevé non ? Le seul domaine que vous n’avez pas abordé c’est la musique finalement…
EG : En fait j’ai aussi aidé pour cette partie là (rires) donc oui, la réponse est oui, je suis carbonisé. Mais ça fait partie du jeu, notamment avec un budget pareil. En tout cas je suis prêt à passer à autre chose (rires)
aV – aL : Donc vous avez d’autres projets ?
EG : Oui, grâce au succès du film, la plupart des projets de mes amis/collaborateurs trouvent des financements et se concrétisent. Je vais en aider certains même si j’ai moi aussi un script quasi-terminé que je compte bien mettre en forme. D’ailleurs à la seconde où je serai descendu de l’avion, il faudra que je m’enferme dans ma chambre pour travailler dessus.
aV – aL : Vous avez des envies de fantastique pur ?
EG : En fait oui ! J’ai quelques idées à ce sujet…
Découvrez des extraits du film : ICI
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