Le 19 mars 2022
Convenu et joliment filmé, le récit intimiste et familial de Kenneth Branagh sur fond de guerre civile en Irlande, tranche avec le cinéma généralement plus grandiloquent auquel nous a habitués le réalisateur.
- Réalisateur : Kenneth Branagh
- Acteurs : Judi Dench, Ciarán Hinds, Jamie Dornan, Caitriona Balfe, Jude Hill
- Genre : Noir et blanc, Drame historique
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h39mn
- Date de sortie : 2 mars 2022
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Résumé : Été 1969 : Buddy, neuf ans, sait parfaitement qui il est et à quel monde il appartient, celui de la classe ouvrière des quartiers nord de Belfast où il vit heureux, choyé et en sécurité. Mais vers la fin des années 60, alors que le premier homme pose le pied sur la Lune et que la chaleur du mois d’août se fait encore sentir, les rêves d’enfant de Buddy virent au cauchemar. La grogne sociale latente se transforme soudain en violence dans les rues du quartier. Buddy découvre le chaos et l’hystérie, un nouveau paysage urbain fait de barrières et de contrôles, et peuplé de bons et de méchants.
Critique : Cela commence par des cartes postales. En images colorées, Kenneth Branagh donne à voir la beauté particulière de la ville de Belfast où les côtes industrielles côtoient les palais chics et les maisons de briques rouges. Puis soudain, le cinéaste nous ramène à plus de cinquante ans en arrière, cette fois en noir et blanc, dans une rue particulière défigurée par les combats fratricides entre catholiques et protestants. Ce passage de la couleur au noir et blanc signe peut-être la volonté de trancher entre une capitale florissante contemporaine et les luttes tragiques qui agitaient son peuple. Pour autant, et Branagh le sait : s’il nous montre habilement un ouvrage d’Agatha Christie qui a survécu à toutes les modes et époques (qu’il sait particulièrement mettre en scène d’ailleurs), il ne dit pas moins d’un monde encore plus fragile, où les hommes sont capables du pire au nom de l’hégémonie de leur religion.
- Copyright Rob Youngson / Focus Features
Le théâtre de cette guerre atroce se joue au cœur d’une famille ouvrière. Le père de famille préfère à la lutte fuir en Angleterre où il travaille comme menuisier. La mère reste à la maison, au milieu des combats, où elle élève deux garçons aux côtés de ses beaux-parents. Il y a d’ailleurs un très fort contraste entre l’intérieur de la maison, très choyée, et les rues où les militaires font au mieux pour empêcher la criminalité de rue. Les protestants ont installé partout des barricades pour se protéger des catholiques qui veulent les chasser de leurs domiciles. Le cinéaste arrive à raconter la possibilité d’une enfance malgré la guerre civile. Le petit garçon, Buddy, occupe la place principale de ce récit où il est plus préoccupé à draguer une camarade de classe qu’à se soucier des luttes de sa communauté. Sa seule crainte est de quitter Belfast qui représente pour lui toute sa vie.
- Copyright Rob Youngson / Focus Features
Il faut saluer la mise en scène à la fois très classique et ingénieuse du film. En effet, quand la couleur s’invite dans le récit, c’est pour signifier la permanence des arts cinématographiques à travers l’histoire et la tempête des hommes. Naturellement, Kenneth Branagh parle de sa propre enfance dans cette histoire et de sa découverte du cinéma au travers par exemple Mary Poppins. Cette fenêtre sur un autre monde contraste avec la pause de la mère des enfants, scrutant à travers les vitres de chez elle, le théâtre de la violence et de la mort qui se joue dans la capitale irlandaise. Le cinéaste nous dit à demi-mot qu’il est devenu le grand réalisateur que l’on connaît en entrouvrant des lucarnes sur un imaginaire qui lui permettait d’ignorer la brutalité du monde.
- Copyright Rob Youngson / Focus Features
ll y a beaucoup de pudeur dans ce récit personnel. La guerre finit même par se faire oublier dans la mesure où de nombreuses scènes se concentrent sur le quotidien de la famille. Le couple se dispute à cause des problèmes d’argent pendant que les enfants grandissent et bravent les interdits. Le long-métrage fait la part belle aux figures féminines à travers bien sûr la mère mais aussi la grand-mère. Les deux femmes sont ancrées dans la terre de leurs ancêtres et luttent pour la continuité de leur culture. Les hommes, quand ils ne sont pas lâches, sont fougueux et désinvoltes. Belfast fait honneur à une histoire de l’Europe presque oubliée qui a contraint des Irlandais à quitter leur patrie, pendant que d’autres, plus courageux, se sont accrochés ou sont morts. C’est un film plaisant et délicat qui arrive sur les écrans français en plein marasme européen, où nous nous étions habitués à ne plus côtoyer la guerre.
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