Le 13 avril 2021
- Réalisateur : Denis Gheerbrant
- Distributeur : Mal’famés films, Les Films d’Ici
- Nationalité : Français
- Durée : 1h25mn
- Festival : Cinéma du réel, Festival international du film documentaire Cinéma du réel, 43e Cinéma du réel
Comment saisir l’essence des traditions, mythes et épopées ? Avant que le ciel n’apparaisse nous embarque dans une enquête poétique, à travers l’art et le langage, pour capturer la mémoire du peuple Tcherkesse, mais aussi continuer à écrire son histoire.
Résumé : Ce documentaire est une exploration de l’histoire, la langue et les traditions des Tcherkesses, peuple du nord-ouest du Caucase, chassés par l’armée impériale russe. L’épopée de Nartes, recueil de chants épiques, est le récit le plus représentatif des Tcherkesses où ils retrouvent l’essence mythique de leur culture et qui sert de fil conducteur au documentaire. Des peintres, des historiens et des villageois nous racontent ce qui signifie pour eux cette épopée, et comment ils la lisent. Au cœur de cette incursion, on retrouve le peintre Rouslan Tsrimov et sa fille Lina Tsrimov, chercheuse spécialisée sur la guerre du Caucase et la culture Tcherkesse.
Critique : Avant que le ciel n’apparaisse n’est pas la recherche d’une vérité unique sur un peuple, mais une quête des vérités, plurielles et diverses qui, comme des fibres d’une tapisserie, s’entrelacent et changent de couleur apparente selon leur juxtaposition. Le réalisateur, Denis Gheerbrant, tâche de saisir la manière de penser d’un peuple, à travers le langage, l’interprétation ou encore l’expression artistique.
- Denis Gheerbrant/Les Films d’Ici/ Mal’famés films
Avec le peintre Rouslan Tsrimov — et en mise en abyme du travail du réalisateur — on embarque sur le double défi de dépeindre l’épopée de Nartes : il ne doit pas seulement représenter l’œuvre clé de sa culture, mais trouver sa propre vision. C’est une quête individuelle et artistique, mais aussi identitaire, au sens communautaire, mythique et ancestral. Peintres comme réalisateurs doivent autant faire l’exercice de prise de recul et laisser l’épopée et ses mystères parler, que prendre conscience de l’expression libre de la pensée Tcherkesse, à travers l’art. En entretien pour le festival du Cinéma du réel, Denis Gheerbrant a déclaré : « Je ne suis pas l’auteur du film, je suis le metteur en forme ». C’est ainsi qu’on comprend le choix d’un montage qui n’est pas linéaire, mais plutôt poétique : il renvoie à la manière de réfléchir qu’il veut dépeindre. La fille du peintre, Lina, aussi auteur-écrivaine du documentaire, exprime ainsi le style du réalisateur : « Il laisse de l’espace au spectateur pour penser, le spectateur peut prendre la place ».
- Denis Gheerbrant/Les Films d’Ici/ Mal’famés films
Des villageois, historiens ou artistes, s’interrogent et nous parlent de leur rapport avec l’épopée de Nartes. Le peintre, par exemple, nous raconte que c’est en apprenant à lire dans la langue des Tcherkesses (adyguéen ou circassien) qu’il a pu trouver un degré de lecture inaccessible auparavant. Un autre villageois explique que ce n’est qu’après avoir entendu l’épopée sous forme de chant épique qu’il a pu la comprendre plus profondément : « Quand on l’écoute avec de la musique on le perçoit comme un art, avec la version en prose on perd beaucoup de choses ». Les chants font ressentir une atmosphère et réveillent l’imaginaire. En somme, le documentaire nous amène à réfléchir (d’une façon agréable, jamais lourde) au rapport entre langue et objet, entre parole et concept.
- Denis Gheerbrant/Les Films d’Ici/ Mal’famés films
L’histoire, la politique et la religion sont aussi des prismes d’interprétation qui évoluent au cours des années, selon les usages des différentes générations. Les Tcherkesses d’aujourd’hui nous parlent de ce recul qu’ils ont atteint au cours de leur vie : ils se rappellent comment ils ont appris sur leur identité (effacée des livres d’histoire à l’école) et la quête d’annihilation de la part des Soviétiques. Avec cette conscience de leur héritage, leur histoire est mobile et continue de s’écrire : « Ce qui ressort de ce non-savoir, la parole l’éclaire, l’épopée donne la réponse sur ce qui a été détruit et ce qui est à venir », commente l’un des intervenants à propos de l’épopée.
- Denis Gheerbrant/Les Films d’Ici/ Mal’famés films
Ce que les Tcherkesses tirent de leur culture et de l’épopée de Nartes va du courage, avec des héros qui se sont donné la mort avant de se rendre à l’ennemi, à l’amour, pour leurs danses, leurs paysages et leur musique. Les symboles de leur culture existent en dehors de toute dichotomie, comme l’explique Lina : « Il est urgent de se représenter en dehors de la dichotomie du XIXe siècle, coloniale ». S’y dévoile un terrain mystique, rempli de nuances et de vérités plurielles, un royaume entre le jour et la nuit, « avant que le ciel n’apparaisse ».
- Denis Gheerbrant/Les Films d’Ici/ Mal’famés films
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