Autonomes - François Bégaudeau - critique

Critique : Ils sont guérisseurs, sourciers, agriculteurs, vagabonds, tenanciers de bar associatif ou même religieux. Ils ont décidé de se créer un modèle économique où l’autonomie alimentaire et énergétique constitue le moteur principal. Cette autogestion, autrement dit ce modèle économique où les acteurs revendiquent leur indépendance, ne constitue pas pour autant un acte égoïste ou individualiste. Au contraire, la plupart des personnes filmées témoignent que cette recherche de l’autosuffisance nécessite de vivre dans des réseaux de proximité et de solidarité, où l’interdépendance se noue autour de systèmes d’échanges, qui conduisent parfois à voler les poules du voisin. En tout cas, le documentaire de François Bégaudeau suscite le débat. En effet, il pose des questions de morale et d’éthique, s’agissant par exemple du comportement de ce vagabond qui dérobe la nourriture d’autrui, et plus largement s’agissant d’une société libérale qui promeut la consommation à outrance et la croissance comme les seuls vecteurs de progrès humain.

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Microphénomène ou révolution économique en marche ? François Bégaudeau pose avec acuité la question du devenir de l’humanité sur une planète hyper peuplée où les ressources énergétiques vont vite montrer leurs limites. Pour ce faire, le documentariste transpose sa caméra dans un milieu rural où les relations de proximité, les terres agricoles, les forêts, mais aussi les aides sociales offertes par l’Etat semblent indissociables de ce type de fonctionnement autarcique. Comment transférer un pareil dispositif dans les villes très peuplées où la dépendance avec les groupes industriels, les fournisseurs de denrées ou d’énergie est incontestable ? C’est sans doute la limite du film Autonomes, qui ne parvient pas à étendre le postulat d’une mode de vie d’autosuffisance à l’ensemble de nos sociétés, essentiellement urbaines.

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Le personnage le plus polémique demeure le vagabond qui figure sur l’affiche. Il reproduit malgré lui ce contre quoi il s’insurge, à savoir une radicalité de la pensée, une malhonnêteté à l’égard des concitoyens qui travaillent pour se nourrir et une instrumentalisation de la nature au service de ses besoins primaires. En même temps, il ne revendique pas son mode de survivance comme étant la règle à suivre. Et il y a cette scène assez violente où il dépanne une agricultrice sur ses problèmes d’ordinateurs, et monnaye à demi-mots le service rendu avec un moment d’intimité sexuelle. D’ailleurs, tout le film se garde d’affirmer un point de vue militant et indéfectible. François Bégaudeau laisse le spectateur se construire sa propre idée sur les modèles économiques proposés, fondés essentiellement sur l’échange. Il n’impose rien, faisant même le choix de mettre sur le même plan des expériences très différentes, parfois contradictoires ou complémentaires, qui ont le mérite de montrer des communautés rurales de l’Ouest de la France totalement inventives.

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Autonomes est donc un documentaire atypique et alternatif, en miroir des personnages qu’il donne à voir. Il y a un aspect assez brouillon où les expériences se juxtaposent sans véritables liens entre elles, à la manière d’un patchwork. Mais on se laisse porter, quelquefois avec surprise, par ces gens ordinaires, résolus à transformer le monde, en commençant par leur propre univers.