Au long de rivière Fango - la critique du film + le test DVD

Copyright Tamasa Distribution

Notre avis : C’est un film étonnant, le premier de Sotha (Catherine Sigaux), directement issu du Café de la Gare et de mai 68 et qui fait passer un vent de liberté et de fraîcheur. Liberté de ton, mais aussi liberté dans le récit, le ton, les dialogues ou le jeu des acteurs. On a le sentiment fréquent d’une improvisation permanente, d’où des longueurs et un fil narratif au moins flou. Il y a bien une intrigue : des gens ont créé un pays utopique, sans lois, sans argent et sans famille. Ce paradis est troublé par l’arrivée de Bleed, fils abandonné par Mathilde qui avait acheté le terrain après avoir quitté la civilisation. Mais, même si cet arc narratif a des résonances réelles (c’est une transposition de l’histoire de Patrick Dewaere), le film en fait surtout le prétexte à des séquences lâches, comme saisies sur le vif dans un quotidien banal.
De fait, Au long de rivière Fango est loin d’être haletant : on y fait la lessive ou l’amour à un rythme languissant, et les discussions ne sont pas toujours passionnantes. Mais dans cette description attentive se lit une critique de la société capitaliste et du consumérisme, une critique qui fait du bien parce qu’elle impose un recul réflexif. Pour autant tout n’est pas rose et la communauté s’aveugle dans son idéal jusqu’à l’indifférence et même la cruauté. Elle n’a pas d’autre choix que d’éliminer ceux qui ne pensent pas comme elle. En ce sens, malgré la fraîcheur du début, le film s’achemine vers un constat amer et enregistre l’impossibilité d’un bonheur simple, à l’écart. Toute société possède en germe la violence, quelles que soient ses (bonnes) intentions.
Qu’on ne s’imagine donc pas rire en voyant ce film, malgré la présence de Romain Bouteille : c’est bien plus une promenade alanguie, tendre et rêveuse, avec un fond nostalgique car, comme le dit l’écrivain du groupe : « les gens aiment les histoires tristes ». On n’y trouvera pas davantage de perfection technique : Au long de rivière Fango tient du bricolage entre copains, proche parfois de l’amateurisme. En revanche, il porte témoignage d’un temps d’utopie et d’engagement. Et permet de revoir Patrick Dewaere, Rufus ou Emmanuelle Riva dans une œuvre longtemps oubliée.

Les suppléments :
Le DVD propose sept bonus, ce qui est plutôt généreux, mais ils sont d’inégal intérêt. Le making-of drôlatique donne une idée de l’atmosphère qui régnait sur le tournage (10mn). Aussi amusants, la bande-annonce et un court extrait (1mn) de Les matous sont romantiques réalisé par Sotha en 1981. Feuilletage est une discussion récente autour de Rufus et de Sotha sur le film (9mn). Plus plaisante que réellement passionnante. Suivent quatre minutes… de la version anglaise du film : l’intérêt est très limité et la qualité technique encore plus. En revanche, le monologue de Patrick Dewaere au Café de la Gare est précieux, amusant mais difficilement audible (7mn). Enfin, on verra avec intérêt un court-métrage joyeusement absurde, qui reprend les comédiens de la troupe et leur fait parler différentes langues (16mn30).

L’image :
La restauration a gommé les défauts tout en conservant une image granuleuse, imprécise, telle qu’elle était : la lumière et les couleurs fluctuent, mais le film a été pensé ainsi.

Le son :
On est loin d’une grande pureté et il faut parfois tendre l’oreille pour saisir tous les dialogues, alors que la musique très présente souffre de légères saturations. Mais là encore le son direct n’était pas prévu pour un son de démonstration.