Anti-squat - Nicolas Silhol - critique

Critique : Personne n’a prêté attention lors de la publication de la loi Elan sous un gouvernement socialiste en 2018, de la possibilité qui s’offre aujourd’hui à des sociétés privées de mettre à disposition des bureaux à des jeunes gens contre un loyer modique, afin de prévenir les squats. C’est exactement le sujet de ce film où Louise Bourgoin interprète une mère de famille monoparentale, en proie à une expulsion imminente de son logement, qui accepte un poste dans une pareille entreprise. Son rôle est de faire admettre des candidats et de veiller à ce qu’ils respectent scrupuleusement le règlement intérieur, faute de quoi elle doit procéder à leur départ immédiat du logement.

Copyright 2021 - Julien Panié_Kazak Productions

Le long-métrage arrive à un moment opportun sur les écrans. En effet, une crise immobilière ravage la France, augmentant les difficultés pour les candidats locataires à trouver un lieu pour vivre, en dépit de revenus corrects. Anti-squat flirte donc avec le film social mais aussi le thriller psychologique, mettant la protagoniste dans une posture professionnelle intenable. L’occasion est donnée pour révéler cette pratique nouvelle qui semble-t-il est répandue dans les pays nordiques. Le personnage principal est donc confronté à une fonction absolument insupportable où, elle-même en situation de précarité, doit mettre la pression sur les locataires de passage, jeunes et isolés, afin qu’ils se conforment à l’inhumanité de ces pratiques d’hier. La toute-puissance de la société qui exerce ce métier est manifeste, à la limite parfois de la caricature. La loi n’intervient absolument pas en protection de ces personnes qui n’ont pas le choix d’accepter de telles conditions de vie.

Copyright 2021 - Julien Panié_Kazak Productions

Corporate évoquait déjà les rapports de force dans le monde du travail. Anti-squat répète un peu la recette, en rajoutant les liens d’inégalité entre des jeunes actifs et les propriétaires bailleurs. Le point de vue est trop manichéen, à l’exception du personnage incarné par Louise Bourgoin qui doit composer entre sa propre situation de précarité et les choix éthiques qu’elle pose dans son travail. On se demande comment elle tient dans ce job qui relève de la maltraitance à l’égard des jeunes locataires. On ne comprend pas non plus qu’aucune juridiction n’intervienne, et que même des agents de sécurité participent à des techniques de lynchage. C’est là où l’invraisemblance prend le pas sur le récit. Le scénario va trop loin dans des imbroglio narratifs, mettant dos à dos les pauvres locataires précaires et un système organisé d’esclavagisme de la précarité.

Copyright 2021 - Julien Panié_Kazak Productions

On sera donc passé à côté de ce film pourtant important dans la mesure où il révèle des pratiques admises par la loi, totalement inadmissibles. Pourvu qu’il permette à des magistrats ou des législateurs d’intervenir afin d’arrêter le massacre social.