Ames en stock - La critique

Un premier long-métrage surprenant, bâti sur un scénario insolite et la présence du pince-sans-rire Paul Giamatti.

L’argument : Paul Giamatti, célèbre acteur américain, est en pleine crise existentielle. Il se cherche, peinant même à trouver le ton juste lors des répétitions de sa prochaine pièce, "Oncle Vania" de Tchekhov. Il entend alors parler de la "Banque des Ames", laboratoire privé proposant un service des plus intrigants : soulager les patients de leur âme. Séduit, il décide de procéder à l’ablation de son âme. S’en suivent des réactions en chaîne dont il n’imaginait pas l’ampleur...

Notre avis : En réalisant Ames en stock, Sophie Barthes propose un sujet ambitieux et va jusqu’au bout de son audace : la cinéaste soulève des questions existentielles sur la nature de l’âme humaine sans pour autant réaliser une œuvre philosophique. Cela lui permet même une certaine légèreté de ton.
Le scénario présente une entreprise spécialisée dans le retrait de l’âme des individus et l’insertion d’une autre « en stock » dans leur corps. Sans être futuriste, le décor de ce lieu insolite associe une inspiration issue de la science fiction et l’ambiance clinique de la salle d’opération.

© Memento Films

Avec un tel sujet, il fallait un casting à la hauteur ; Sophie Barthes à fait le bon choix en demandant à Paul Giamatti de jouer son propre rôle. Très expressif, l’acteur donne une dimension à la fois dramatique et pince-sans-rire à son personnage en quête d’une âme, à défaut de la sienne qu’il a perdue. Le procédé de donner au comédien sa propre personnalité à interpréter se révèle tout à fait pertinent car il permet d’entamer une réflexion comparative entre l’âme et l’égo de l’acteur. Celui-ci ne perdrait-il pas un peu de son unicité en se fondant dans l’esprit d’un personnage ? Ce premier long-métrage s’interroge ainsi sur l’importance de se connaître soi-même et de s’ouvrir aux autres. L’âme (que les médecins recueillent dans des bocaux) ne peut se cultiver en autarcie mais en communion, par la rencontre avec l’autre : Paul Giamatti trouve son salut auprès de sa comparse qui l’aide à retrouver ce qu’il a perdu.

© Memento Films

Si ces considérations existentielles peuvent paraître ronflantes, la cinéaste, parce qu’elle crée des personnages très charismatiques, évite les clichés et les lourdeurs idéologiques. Outre celui de l’acteur principal, les rôles périphériques sont tout à fait intéressants, particulièrement celui de Dina Korzun, « l’âme sœur » du héros, dont la peau diaphane et le regard pénétrant apportent un contrepoids à la figure d’ours mal léché qu’interprète Giamatti. On remarque également la présence de Lauren Ambrose en secrétaire compréhensive qui, décidément, après l’excellente série Six feet under, apprécie les « états d’âme » et les rôles morbides.

© Memento Films

C’est pourquoi, parce que le casting et le scénario d’Ames en stock sont particulièrement convaincants, on regrette des longueurs en fin de parcours, dans la partie se déroulant à Saint-Pétersbourg, où la redondance des séquences de réflexions introspectives étire inutilement le long-métrage. Par ailleurs, la beauté de la ville russe et de la Neva gelée sont des visions certes magnifiques (grâce à la photographie d’Andrij Parekh) mais qui incitent à des comparaisons - trop - faciles : si Paul Giamatti ne récupère pas son âme, celle-ci va se glacer et se détruire. Cependant, malgré ces quelques défauts, Ames en stock n’en reste pas moins une œuvre surprenante et Sophie Barthes, une cinéaste à suivre.

© Memento Films