La seule journée facile c’était hier
Le 20 septembre 2023
Taxé de racisme dès ses premières projections, le film du grand Clint revêt finalement plus la forme d’une analyse sur les conséquences d’un état de fait, que sa justification quelconque.
- Réalisateur : Clint Eastwood
- Acteurs : Sienna Miller, Keir O’Donnell, Bradley Cooper , Kyle Gallner, Ben Reed, Elise Robertson, Luke Grimes, Jake McDorman, Billy Miller
- Genre : Drame, Biopic, Film de guerre
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Date télé : 18 novembre 2024 21:05
- Chaîne : France 3
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 18 février 2015
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Résumé : Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d’innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de "La Légende". Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu’il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l’angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s’imposant ainsi comme l’incarnation vivante de la devise des SEAL : "Pas de quartier !" Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu’il ne parvient pas à retrouver une vie normale.
Critique : Il a suffi de quelques projections pour que les premières retombées critiques du American Sniper de Clint Eastwood soient impétueuses, véhémentes, et pour le moins polémiques ! C’est probablement la brûlante actualité internationale qui lui a valu sa récupération politique globale, où chacun y va de sa petite analyse personnelle qui, au bout du compte, ne fait que se plier à une argumentation préfabriquée propre aux idéaux politiques de chacun des clans s’exprimant. Le message réellement délivré par le long métrage en devient nébuleux tellement les lecteurs ont été conditionnés par l’encre qui a coulé avant même d’avoir pu intégrer les salles obscures. En substance, American Sniper ne peut s’apprécier qu’à une seule et unique condition : l’appréhender comme une pièce complémentaire de la filmographie d’Eastwood, un addenda filmique qui prolonge des obsessions à présent longuement développées au gré d’une carrière riche et précieuse.
- © Warner Bros
Plutôt que de chercher à analyser American Sniper comme un produit faisant intégralement écho aux images (néanmoins capitales) du 11 septembre, il est plus judicieux d’y chercher les manifestations de son auteur qui rappelle régulièrement sa présence derrière la caméra. Étant lui même le "produit" d’une histoire américaine dont il a vu naître des contours substantiels (de ses westerns, en passant par L’Inspecteur Harry en plein avènement du Nouvel Hollywood, jusqu’aux Space Cowboys), le metteur en scène rappelle l’importance de la pictographie proposée qui, comme souvent chez lui, relate la somme du passé. Le dispositif de mise en abyme révèle la dimension des images dans ce qui arrive à Chris Kyle. Celui-ci observe tout d’abord des vidéos de l’"ennemi" glorifiant leurs mises à mort avant de considérer, par la suite, un écran noir faisant naître des sons du champ de bataille dans son esprit. Ces quelques scènes suffisent à Eastwood au lancement d’une mise en perspective de son propre travail et sa perception de ce dernier par l’audience. En tissant pareillement sa toile intertextuelle référentielle à la bande dessinée (le jeune soldat lisant un comic book à la base, les tags du Punisher sur les véhicules et les armes de l’armée américaine), le bonhomme rappelle par touches subtiles le retentissement de toute une culture sur des mises à mort violentes... mises à mort qui n’ont rien du côté zélateur de la culture pop. Les scènes de batailles, diligentées par une caméra beaucoup moins chahutée que chez Greengrass et son excellent Green Zone, prennent un contre-pied très classique qui rappelle que le style hollywoodien perdure au-delà des tendances du jour.
- © Warner Bros
Clint Eastwood use ainsi de tous les outils cinématographiques qui ont jalonné ses classiques, non pas dans une attitude imbue de son étendue, mais plutôt dans un but de démystification de certains préjugés : non, les soldats ne sont pas des machines de guerre, la retombée de leurs actes est d’ailleurs rapidement scellée par des déboires psychologiques. En naviguant entre passé et présent via des flashback, montés au cordeau, la fragmentation diégétique opère et sert finalement la caractérisation d’un personnage purement "eastwoodien". On se rappelle de l’incomplétude brisant Tim Robbins dans le sublime Mystic River, Kyle est pareillement un homme qui ne quittera jamais un "boulot" qu’il aura bien du mal à considérer dans sa vraie nature (la très belle scène où il croise son frère sur le tarmac de l’aéroport du pays en guerre, ses premiers meurtres qui maintiennent une unité de lieu mais pas de temps, etc.).
- © Warner Bros
Et ce qui achève de conduire American Sniper vers le statut de grand film, en sus de ses qualités susnommées, c’est cette façon qu’a Clint Eastwood de brouiller les frontières entre l’Irak et les États-Unis. En confondant la lisière entre le champ de bataille et le foyer familial (à plusieurs reprises, l’un et l’autre se vampirisent le temps de quelques plans poignants), il offre à Bradley Cooper l’une de ses plus grandes performances. La séquence où il se recueille dans un "cimetière volant" au soleil couchant rappelle inéluctablement le côté crépusculaire d’Impitoyable. On touche alors à l’essence même d’American Sniper : un film où le funeste se balade au-dessus de cieux parmi lesquels le mysticisme dépeint en introduction n’a aucun droit de cité. Puissant, tout simplement !
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