Le 26 octobre 2015
- Scénariste : Aurélien Ducoudray>
- Dessinateur : Anlor
- Genre : Drame
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er mai 2015
- Durée : 2
Amère Russie T2 nous permet de retrouver Madame Kitaev, la petite mère courage et son vaillant chien Milyi à la recherche de son fils Volodia, prisonnier de guerre dans cette odyssée Tchétchène où les bas-instincts de l’homme reprennent trop souvent le dessus.
Résumé :
Au début de ce tome deux, madame Kitaev se retrouve donc avec un fils qui n’est pas le sien répondant au gentil nom d’Oleg. Détail non négligeable, une blessure de guerre a rendu Oleg aveugle. Après avoir rejoint Bassaïev, le leader Tchétchène qui a lancé l’appel aux mères russes, leur demandant de venir chercher leurs enfants prisonniers, madame Kitaev est coincée sans aucune nouvelle piste pour remonter la trace de son Volodia. Et en plus, sa demande incessante de récupérer son fils commence sérieusement à énerver Bassaïev.
Notre avis :
Ce second tome clôt les aventures de Ekaterina Kitaev. L’objectif n’a pas changé mais les difficultés s’accumulent au cœur de Grozny, ville en siège. Madame Kitaev n’a plus aucun repère et son errance semble la faire tourner en rond. La voilà qui s’entête à harceler Bassaïev pour qu’il lui rende son fils, refusant la vérité : Bassaïev n’a aucune idée de là où se trouve Volodia ! Pour Ekaterina, ce second opus est l’occasion de nouvelles rencontres. A l’image d’un road-movie en enfer, elle va trouver entre les bombes et les balles, un curieux havre de paix, un homme portant sa chaise sur la tête et un chauffeur de taxi pas si fêlé que cela. Autant de rencontres qui vont la rapprocher ou l’éloigner de Volodia. Autant de rencontres qui vont toucher son cœur et le nôtre. La raison semble s’éloigner de plus en plus de Grozny, pour céder la place à la folie. Folie douce ou folie brute, folie amère ou folie meurtrière. Et quand la folie n’est pas là, ce sont les bas-instincts les plus sordides qui règnent.
Ekaterina n’a pas fini son apprentissage de l’horreur de la guerre. Et les choses vont aller de mal en pis. Seul Oleg semble garder les pieds sur terre, comme si le fait de ne pas voir l’horreur épargne les aveugles et leur permet d’échapper à la démence.
Dans les ruines de Grozny, l’intrigue va plus loin que précédemment et le crescendo continue, alors qu’on ne pouvait plus le soupçonner.
Les yeux bleus affolés de Madame Kitaev restent longtemps en mémoire car ils portent en eux toute l’horreur croisée au cours de ce périple.
L’humour arrive à point pour désamorcer le drame, qu’il s’agisse des facéties salvatrices de Milyi ou bien d’un étrange cynisme – cet enfant qui tient à finir sa partie de bomberman dans une ville bombardée – et soudain, c’est l’ombre d’un humour absurde qui plane sur ce diptyque. On pense forcément à Kusturica. La farce permet de rendre l’horreur supportable, puisqu’on peut même en rire, mais elle ne voile pas la vérité, elle la désamorce pour la rendre supportable.
Madame Kitaev reste attachante mais dans ce second tome, elle devient plus un témoin qui nous fait découvrir d’autres personnages tout aussi émouvants. On retrouve Asia l’amazone et on découvre Varkhan le conducteur de taxi, entre autres.
Autant de personnages qui vont tirer la couverture à eux et qui vont aider Ekaterina à retrouver son chemin, celui qui doit la mener à son Volodia.
L’histoire nous fait aller de surprises en surprises, de déception en déception et quand on arrive à la fin de la lecture, les larmes ne sont pas loin, proches du rire.
Par rapport au tome un, dont nous vous parlions ici, le dessin donne l’impression d’être devenu plus âpre, à l’image des situations que traverse Ekaterina. Les personnages ont toujours ce côté réaliste, expressif mais le trait encore plus vif renforce la spontanéité des situations.
Les décors brisés sont toujours omniprésents, à l’image de ces vies que la guerre à détruites.
Les couleurs sont très belles et le coucher de soleil sur Grozny, moment de pause entre deux bombardements, ou bien les éclairages nocturnes à la bougie imposent tout de suite des ambiances particulières, contrastant souvent avec la teneur de la scène.
Sans parler de cette magnifique couverture, avec cette bombe fichée en plein sol, symbole important jouant un rôle dans l’histoire même de ce tome deux. Et madame Kitaev, sans doute dernière lueur d’espoir dans cette guerre qui condamne un monde à l’obscurité. A l’image d’Oleg, planté de l’autre côté du missile, plongé dans les ténèbres ou perdu dans sa part d’ombre, qui le sait vraiment ?
Le découpage se démultiplie et reste centré sur les personnages. Seules quelques cases permettent soudain de rendre l’ampleur du décor, des champs de destruction qui entourent les personnages.
Les cases s’enchaînent et s’empilent pour offrir de grands espaces. La nuit revient toujours avec ce fond de page noir qui engloutit la planche. En fait, les cases vont dans le sens du cadre et inversement.
Le travail graphique d’Anlor reste toujours aussi fort dans ce tome. Même si les échappatoires imaginaires sont moins présentes et que l’on s’ancre plus dans ce monde réel, pour se resserrer autour de la tragédie qui joue son dernier acte.
Amère Russie T2 vous offre la partie la plus dure de l’épopée de Madame Kitaev. Les colombes blanches de Grozny vous arracheront peut-être des larmes et vous laisseront sans doute un arrière-goût dans la bouche, mais c’est là toute la force de cette BD qui refuse le consensuel et le politiquement correct. Ce qui fait que vous n’oublierez pas Ekaterina Kitaev et sa quête insensée, porté par un amour immense, l’amour maternel.
Alors remercions infiniment les auteurs pour ce choix.
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Et pour conclure, un petit dessin humoristique : Zéda sort sa guitare pour Ekaterina.
48 pages - 13,90€
Galerie photos
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