Amer béton . Édition prestige - La chronique BD

Avec un nom qui fleure bon les années 1990, cette réédition presque trente ans plus tard a une vocation, celle de faire découvrir à de nombreux lecteurs un classique du manga urbain, qui mêle les yakuzas et les orphelins, tous issus de la rue. La ville est le cadre et la respiration, le début et la fin de cette histoire où se dégage peu à peu une poésie, que ne renierait pas Apollinaire ou Cendrars. Une fois le voile un peu enfantin passé, c’est un récit avec des chapitres quasi indépendants, comme des poèmes sur un thème, une nuit ou un sentiment. On passe sur la dualité entre les deux personnages, qui sont deux félins aussi opposés mais qui se complètent terriblement, ce que le grand-père exprime un peu trop, comme une notion explicite qui n’avait pas besoin d’être transcrite dans les dialogues.

TEKKON KINKREET ALL IN ONE © 2007 Taiyou MATSUMOTO / SHOGAKUKAN

Le dessin participe à créer une atmosphère un peu tendre au premier abord, avec le sourire comique et les traits bruts des deux héros qui ne laissent pas envisager une violence à la Orange mécanique. Le traitement des opposants est cependant fort, tangible, presque réaliste avec ces gueules en losange, des yeux trop droits et les longues cicatrices. Ce dessin angulaire se révèle prenant, et même touchant page après page (plus de six cents pour cette intégrale !) où le noir et blanc est vite sublimé, tenace, percutant.

TEKKON KINKREET ALL IN ONE © 2007 Taiyou MATSUMOTO / SHOGAKUKAN

Si vous croisez cette BD, Amer béton fait partie de ces mangas qu’il faut connaître, pour ce qu’il a inauguré, ce qu’il a prévu, et ce qu’il a poétisé. D’une histoire de Dickens, Taiyou Matsumoto a en effet fait entrer le manga d’apprentissage dans le futur.