Alvar Mayor – Carlos Trillo, Enrique Breccia – chronique BD

Alvar Mayor est la réédition en intégrale d’histoires publiées dans les années 1970 dans la revue argentine Skorpio avant d’être publiée en France dans Pilote et de faire l’objet d’un album en 1983. La grande majorité des histoires courtes proposées par cette très belle édition d’iLatina sont néanmoins inédites.

Carlos Trillo - Enrique Breccia / iLatina

Cette bande dessinée est le produit de la rencontre entre le scénariste prolifique et talentueux Carlos Trillo – du même auteur, iLatina a récemment réédité l’excellent récit de La grande arnaque – et le dessinateur Enrique Breccia, fils du maître de la BD argentine. Le duo offre une reconstitution saisissante de la société coloniale espagnole ou plutôt de son imaginaire, tant les conquistadors ont davantage rêvée l’Amérique qu’ils ne l’ont véritablement fréquentée. Les récits mettent en scène la violence de la société coloniale, la cupidité des hommes et parfois leur folie. Par la magie du récit dessiné, les auteurs nous emmènent régulièrement à la frontière entre le réel et le monde magique peuplé d’hommes mystérieux, de cités légendaires et de créatures mythiques, ce monde que fantasment justement les Espagnols. Alvar Mayor guide aussi bien les protagonistes du récit que le lecteur. Lié d’amitié avec un Amérindien, aimé des femmes, il surnage sans être un héros dans ce monde marqué par la cupidité et la violence. Personnage en errance perpétuelle, il emmène le lecteur dans un monde de songes.

Carlos Trillo - Enrique Breccia / iLatina

Alvar Mayor se distingue par sa force graphique. Le trait réaliste et précis d’Enrique Breccia donne de la chair à cet univers. Le dessinateur alterne entre des paysages ou des décors extrêmement fouillés et des planches remarquables par leur sens de l’épure. Les amoureux du noir et blanc ne s’y tromperont pas et savoureront ces planches remarquables.
Par l’intermédiaire d’Alvar Mayor, guide sans attaches, Carlos Trillo et Enrique Breccia nous entraînent vers une Amérique qui n’a jamais existé ailleurs que dans les fantasmes de ses conquérants. Ce voyage entre le monde colonial et les mythes qu’elle fabrique est assurément dépaysant.