Le Scorsese qui précède "Taxi driver"
Le 29 octobre 2019
Un road movie original, porté par son actrice principale. Scorsese affûte son talent, avant de produire son premier grand film, Taxi driver.


- Réalisateur : Martin Scorsese
- Acteurs : Jodie Foster, Kris Kristofferson , Harvey Keitel, Ellen Burstyn
- Distributeur : Warner Columbia Film
- Durée : 1h52mn
- Date télé : 5 avril 2025 22:25
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 27 juin 2012
- Titre original : Alice Doesn't Live Here Anymore
- Date de sortie : 30 mai 1975

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Résumé : Montery, Californie : Alice, dans un univers digne du "Magicien d’Oz", Alice, enfant dans une ferme isolée se rêve chanteuse. Plusieurs années plus tard, Socorro, Nouveau Mexique : Alice Hyatt (Ellen Burnstyn), femme au foyer n’est pas très heureuse en mariage. Son mari Donald (Billy Green Bush), volontiers machiste supporte mal leur enfant unique quelque peu surdoué, Tommy (Alfred Lutter III). Un jour, Donald, chauffeur livreur meurt dans un accident de la circulation. Alice décide de repartir pour Monterey pour tenter sa chance comme chanteuse. Elle prend la route avec Tommy. Ils font d’abord faire étape dans une petite ville, où elle va écumer les bars afin de trouver du travail
Critique : Après Mean Streets, qui portait en germe son univers futur, et avant Taxi driver, Martin Scorsese acceptait ce film de commande, sur les recommandations de l’actrice Ellen Burstyn, auréolée de son succès dans L’exorciste ("The Exorcist") de William Friedkin (1973). Celle-ci, suffisamment libre dans ses choix professionnels, souhaitait interpréter une femme libre en phase avec son temps. Elle choisira aussi, pour ce faire, un scénario de Robert Getchell.
D’abord soumise, frustrée d’avoir abandonné la chanson, Alice va passer le deuil de son mari qu’elle aimait malgré tout, prendre sa vie en main. De motels plus ou moins miteux en bars plus ou moins reluisants, elle va tenter sa chance dans un milieu pour le moins machiste. Une première rencontre amoureuse ne sera pas vraiment à la hauteur de ses aspirations
Ellen Burstyn, formée à l’Actor’s Studio, passe par toutes les nuances de l’émotion : triste avec la larme facile, ensuite rieuse, enfantine et joueuse, puis grave et amoureuse. Son interprétation, qui lui vaudra l’Oscar de le meilleure actrice en 1975, illumine le film dont elle est de presque tous les plans. Le jeune Alfred Lutter III, dans son rôle d’enfant perturbé, bavard et impertinent, est aussi très juste. Les deux rôles masculins principaux ne passent pas inaperçus non plus : Harvey Keitel, avec un air de bouseux un peu benêt, compose un psychopathe très scorsesien pour le coup. Kris Kristofferson, fermier souriant, étouffe néanmoins un machisme qui déborde à l’occasion.
A noter la présence de la jeune Jodie Foster, âgée de douze ans dans un rôle de garçon manqué, qui n’a pas la langue dans sa poche.
Curieux choix, que celui de Martin Scorsese pour réaliser ce film féministe dans la province profonde du Sud, lui qui deviendra un spécialiste d’histoires d’hommes au cœur de New-York. Et pourtant, on assiste à une sorte de road movie au soleil et au féminin plutôt réaliste et sans aucun doute intelligent.
Cette production, à part dans sa filmographie, lui a permis, dans une figure imposée, de développer ce qui deviendra sa marque de fabrique : l’utilisation de la musique, les travellings originaux, l’irruption soudaine de la violence, les ruptures de ton... Avec ce quatrième long métrage, le cinéaste finit d’affûter son style, qui pourra exploser dans son film suivant, Taxi driver.