« Et vous, qui donc croyez-vous que c’était ? »
Le 8 février 2024
Peu fidèle à l’œuvre de Lewis Carroll, la version burtonienne d’Alice au pays des merveilles, bien que plaisante, manque de singularité et de féerie, ressemblant plus à un ersatz de Narnia qu’à un film de son réalisateur.
- Réalisateur : Tim Burton
- Acteurs : Johnny Depp, Crispin Glover, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway, Christopher Lee, Alan Rickman, Michael Sheen, Frances de la Tour, Mia Wasikowska , Matt Lucas, Geraldine James
- Genre : Aventures, Fantastique, 3D, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Américain
- Distributeur : The Walt Disney Company France
- Durée : 1h49mn
- Date télé : 26 décembre 2019 21:05
- Chaîne : France 4
- Titre original : Alice in Wonderland
- Date de sortie : 24 mars 2010
- Plus d'informations : Le site officiel
Résumé : Alice, désormais âgée de dix-neuf ans, retourne dans le monde fantastique qu’elle a découvert quand elle était enfant. Elle y retrouve ses amis le Lapin Blanc, Bonnet Blanc et Blanc Bonnet, le Loir, la Chenille, le Chat du Cheshire et, bien entendu, le Chapelier Fou. Alice s’embarque alors dans une aventure extraordinaire où elle accomplira son destin : mettre fin au règne de terreur de la Reine Rouge.
Critique : Même robe bleu azur, chevelure blonde et coiffure identiques... Alice version 2010 reprend les codes physiques du personnage de 1951, créé par Walt Disney, avec une différence, et non la moindre : la jeune fille a désormais dix-neuf ans et est devenue une femme. Elle se montre audacieuse avec sa mère et affirme ses opinions. Ses centres d’intérêt ne sont plus les mêmes. Son appréciation des merveilles qu’elle découvre, non plus. Elle n’a aucun souvenir de son périple passé et, lorsqu’elle retrouve ces lieux à l’aube de l’âge adulte, elle commet exactement les mêmes erreurs qu’auparavant, notamment lors de la chute dans le terrier. Celle-ci fait, par ailleurs, penser au Alice de Jan Svankmajer : mêmes plans, mêmes cadrages serrés, même photographie contrastée. Tim Burton a multiplié ses sources d’inspiration pour offrir sa version d’Alice au pays des merveilles (le cinéma en compte déjà plus d’une dizaine).
- © Walt Disney Pictures
Le changement d’âge n’est pas la seule liberté majeure par rapport à l’histoire originale. Alors que dans le récit de Lewis Carroll, au-delà du personnage central, toutes les figures sont d’importance égale : ici, le Chapelier devient le guide, l’ange gardien, voire l’alter ego de la jeune femme, la protégeant envers et contre tout, donnant une légitimité commerciale à l’exploitation du nom de Johnny Depp, en haut de l’affiche. Personnage attachant (aux faux airs du Willy Wonka de Charlie et la chocolaterie), ses émotions sont perceptibles par le changement - astucieux - de la couleur de sa peau et de ses vêtements. Plus ceux-ci sont ternes, moins il est de bonne humeur.
- © Walt Disney Pictures
Concrètement, cet Alice au pays des merveilles n’a que peu à voir avec l’original littéraire, si ce n’est quelques détails du décor et des personnages. S’agissant du récit, il n’est ni question de surprise, ni d’absurdité, ni de dilemmes kafkaïens... mais de logique ! Un comble !
Dès le départ, le nœud de l’intrigue et sa résolution sont annoncés par un parchemin prophétique : Alice a une mission, destituer la Reine Rouge de son trône. Si on peut bien sûr comprendre son parcours comme une quête initiatique lui permettant de devenir définitivement adulte (elle doit enfin faire des choix en tant qu’individu et en tant que femme particulièrement), Tim Burton passe malheureusement à côté de ce qui fait la spécificité absurde de l’œuvre de Lewis Carroll. Le cinéaste ne nous plonge pas tout à fait dans un monde bariolé et excentrique mais dans un milieu certainement plus sombre qu’on aurait pu l’imaginer - ce qui n’est pas pour déplaire, puisqu’il s’agit ainsi pour le réalisateur de Sweeney Todd de marquer son recul par rapport à l’œuvre, dans la mesure où celle-ci propose plusieurs niveaux de lecture. Mais, lorsque les combats prennent des allures de batailles façon Le monde de Narnia ou Le seigneur des anneaux, on se demande où est passée la magie quelque peu baroque de Tim Burton. Sa vision d’Alice au pays des merveilles n’échappe donc pas à la mode.
- © Walt Disney Pictures
Si le cinéaste se perd ainsi un peu en chemin, les aficionados de l’auteur pourront se raccrocher tant bien que mal aux quelques éléments de cohérence avec son œuvre. Le Wonderland que la jeune femme (re)découvre rappelle indéniablement l’univers de Burton - notamment la poésie mélancolique du jardin d’Edward dans Edward aux mains d’argent. De manière récurrente dans la filmographie du cinéaste, on retrouve la mise en place de deux univers dans une opposition aussi frontale que factice, voire biaisée. Deux reines, deux châteaux (tout droit sortis de La Belle au bois dormant), deux armées, qui se battent sur un échiquier géant (figure centrale de De l’autre côté du miroir et ce qu’Alice y trouva). On appréciera aussi l’humour typiquement burtonien comme la scène, déjà très drôle dans le livre, de la partie de croquet avec des flamants roses, qui vient nous rappeler que le cinéaste n’a pas perdu de sa verve. Niveau humour, mention spéciale pour la Reine Rouge, interprétée par Helena Bonham Carter, qui, avec sa tête énorme et grotesque, vissée sur son tout petit corps, crie toujours plus qu’elle ne coupe de têtes. Ouf, tout n’est pas perdu !
- © Walt Disney Pictures
- © Walt Disney Pictures
- © Walt Disney Pictures
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Frédéric Mignard 4 mars 2010
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
Mou, sans personnalité et surtout sans aucune surprise, le Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton n’est pas l’oeuvre d’un cinéaste visionnaire. Dommage !
Norman06 6 avril 2010
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
Eu égard à l’imagination débordante de Burton dans ses précédents films et au tintamarre médiatique qui a entouré sa sortie, on ne peut être que déçu par cette Alice plus disneyenne que burtonienne, plus blockbuster que féérique, lorgnant vers l’horreur (créatures dinosauriennes) et l’émotion faciles. Reste que le 3D sauve l’œuvre, Johnny et Bonham Carter sont drôles, et le récit comporte quelques belles séquences malgré tout. Un Burton mineur en sorte.
’Boo’Radley 15 avril 2010
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
Agréable film pop up où décors, toilettes et accessoires sont remarquables et s’insèrent dans une mise en image somptueuse. Mais l’héroïne semble perdue dans le mystère de son personnage et jamais le charme étrange, l’innocence étonnante de l’Alice de Lewis Carroll, ne passe. C’est un produit hollywoodien terriblement éloigné de l’originalité des premières oeuvres de Tim Burton.
bbjj83 22 juin 2010
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
Un bon Burton mais pas l’un de ses meilleurs.
On ne s’ennuie pas, les personnages, les tenues, les dialogues sont bons. Les effets 3D excellents mais on ne retrouve pas vraiment l’esprit de l’oeuvre de Lewis Caroll.
On passe un excellent moment.
Pour les petits et grands.
roger w 25 août 2010
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
A quoi sert ce film ? Visiblement à pas grand chose puisqu’il se borne à reprendre l’esthétique du Disney des années 40 pour la transposer avec les effets spéciaux d’aujourd’hui. Si les vingt premières minutes font illusion, les développements de l’intrigue sont faiblards et la fin tombe dans un manichéisme et un conformisme qui font gerber. Dommage.
Sébastien Schreurs 24 février 2011
Alice au pays des merveilles - Tim Burton - critique
"The imaginarium of director Burtonus" Mis à part ses deux summums ("Ed Wood" et "Big Fish"), "Alice" est la clé la plus accessible pour nous immiscer dans l’univers gothique et fantasmagorique de Tim Burton qui est celui du droit à la différence. Comme le dit si bien le papa d’Alice, les gens exceptionnels sont des fous (cela me fait penser au titre du film de Barbosa "les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel"). Malgré tout, ce père disparu trop tôt (comme celui du créateur de "Edward aux mains d’argent") a eu le temps de lui inculquer des valeurs anticonformistes qui lui permettent de se conduire indépendamment des attentes de la société (l’action se déroule le jour de son mariage...). Les splendides décors et les effets spéciaux sont au service d’une histoire passionnante (je ne comprends pas les quelques critiques, que j’affectionne habituellement, qui reprochent au scénario d’être lisse) qui n’est pas sans évoquer un autre grand timbré du septième art, Terry Gilliam (que ce soit Johnny Depp, qu’il a dirigé à trois reprises, le moulin calciné qui est un clin d’œil à son "Don Quichotte" avorté ou le Jabberwocky, une sorte de dragon que Alice devra tenter de terrasser). Tim Burton est un chapelier fou. Chapeau l’artiste...