Maître de son œuvre
Le 31 mai 2018
Ce biopic livre un portrait facétieux d’un artiste immense rongé par le doute.
- Réalisateur : Stanley Tucci
- Acteurs : Sylvie Testud, Geoffrey Rush, Clémence Poésy, Armie Hammer
- Genre : Comédie dramatique, Biopic
- Nationalité : Britannique, Français
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h34mn
- Titre original : Final Portrait
- Date de sortie : 6 juin 2018
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Résumé : Paris, 1964, Alberto Giacometti, un des plus grands maîtres de l’art du XXème siècle, invite son ami, l’écrivain américain James Lord, à poser pour un portrait. Flatté et intrigué, James accepte. Cela ne devait prendre que quelques jours mais c’était sans compter sur le perfectionnisme et l’exigence du processus artistique de Giacometti…
Notre avis : Alberto Giacometti n’a jamais été aussi populaire : ce sculpteur et peintre suisse, décédé en 1966, est l’objet de toutes les attentions, bien qu’ayant connu le succès et la reconnaissance de son vivant. Alors que la cote de l’artiste ne cesse de grimper et que les enchères s’envolent – l’on parle de plus de 74 millions de dollars pour L’homme qui marche, vendu par Sotheby’s en 2010 et de 141 millions pour L’homme au doigt, vendu aux enchères en 2015 par Christie’s, la Fondation Giacometti se charge de faire respecter l’héritage de l’artiste. Un Institut Giacometti va également ouvrir ses portes à Montparnasse en juin 2018.
C’est dans ce contexte que l’acteur, réalisateur, producteur et scénariste américain Stanley Tucci propose un biopic qui ne s’attarde que sur une courte période de la vie d’Alberto Giacometti, surfant ainsi sur cette nouvelle vague de cinéastes qui préfèrent présenter un instant précis et révélateur sur le héros, sans évoquer son existence entière.
- © Bodega Films
Au cœur d’une reconstitution du Paris des années 60, ce long-métrage relate les dernières rencontres entre Alberto Giacometti et James Lord, écrivain américain qui s’est lié d’amitié avec l’artiste au cours de ses voyages réguliers dans la capitale française. Afin de réaliser le portrait du jeune et beau Lord, l’artiste l’a ainsi invité dans son atelier, reconstitué à l’identique grâce au concours de la Fondation Giacometti. Ce qui ne devait être qu’un après-midi de travail se transforma en dix-huit séances qui témoignent du perfectionnisme de Giacometti, artiste très tourmenté et éternel insatisfait de son travail ; loin de se douter que ce même portrait serait vendu plus de 20 millions de dollars en 1990 et resterait, aux yeux du monde de l’art et de ses amateurs, son œuvre la plus emblématique.
C’est au cours de ces dix-huit séances que James Lord pourra se rendre compte, comme il le relate dans son ouvrage A Giacometti portrait, publié en 1965, des vices de l’artiste ainsi que de la banalité de sa vie quotidienne, là où des passionnés comme lui pensent que cette star de la sculpture et de la peinture ne pouvait que profiter à tout moment d’une existence trépidante. Le film ne cherche donc pas seulement à dépeindre la tourmente que vit un artiste en pleine création mais également à montrer les difficultés de son quotidien, loin de la reconnaissance qui devrait lui apporter un confort aussi bien matériel que mental. La réalité est donc bien différente, ce qui semble se confirmer dans tous les domaines...
- © Bodega Films
Au cœur d’un film au rythme très inégal, suite ininterrompue de scènes d’atelier, de promenades dans les rues de Paris et de disputes entre Giacometti, son épouse Annette interprétée par Sylvie Testud et sa maîtresse Caroline, jouée par Clémence Poésy, le long-métrage dépeint la création d’une œuvre tout en offrant un portrait sans concession de l’artiste, qui aimait l’alcool, la compagnie des prostituées et cacher son argent dans le moindre petit interstice que ce mari pingre cachait à sa femme.
Les uns rigoleront, car ce portrait ne manque pas d’humour, alors que les autres découvriront les travers d’un artiste génial qui n’a pas souffert de la malédiction de ces créateurs qui n’ont connu le succès qu’après leur mort. Dommage que ce biopic soit trop lent, trop propre sur lui, entre sa musique délicate et sa mise en scène, qui suit l’artiste presqu’en s’excusant. Un peu comme si Stanley Tucci, en voulant faire oublier sa caméra, finissait par faire disparaître la moindre once de piquant qui aurait pu teinter son film et le rendre un peu plus attractif. Force est de reconnaître que le cinéma est l’art le moins représenté dans un film dont ce qui fait le sel du septième art s’éclipse au profit du surréalisme. Si ce long-métrage est de facture honnête, un documentaire sur l’artiste eut été bien plus évocateur de son art qu’un biopic qui réunit des acteurs un peu perdus dans ce projet.
- © Bodega Films
Si Geoffrey Rush a de toute évidence réalisé un gros travail pour ressembler un maximum à Alberto Giacometti, offrant à ce portrait son regard malicieux malgré les épreuves que vit le personnage, la confusion vient finalement de son comparse Armie Hammer. Quiconque a vu Call me by your name ne pourra que constater une certaine continuité entre les deux films et surtout entre les personnages interprétés par le comédien : il s’agit à chaque fois d’un jeune américain homosexuel de passage en Europe qui s’intéresse aux arts. Physiquement, les deux personnages sont des copies conformes, au point que l’on imagine parfaitement le jeune Oliver pénétrer dans l’atelier de Giacometti avant de rentrer aux États-Unis ! Ce qui n’est qu’un hasard pourra combler le cinéphile facétieux, à moins qu’il se dise que les similitudes entre les deux personnages auraient dû gêner l’acteur au moment de donner son accord.
Il reste le plaisir de voir deux Françaises au casting, même si l’une est une femme de l’ombre alors que l’autre est en pleine lumière. Ce contraste qui n’est pas suffisamment exploité constitue malgré tout l’un des grands intérêts du film, qui devrait ravir les fans inconditionnels de Giacometti, sans en dégoûter les autres. L’art mérite bien ça.
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