Akane Banashi T.1 - Suenaga Yuki, Moue Takamasa - La chronique BD

Critique : Akane Banashi pourrait bien être une de ces perles que l’on ne rencontre que rarement en littérature, une œuvre qui raconte quelque chose de la société moderne en jetant un œil sur la tradition. Ce manga scrute un aspect de la société japonaise, le spectacle vivant du rakugo. Sur scène, un conteur doit enchaîner les histoires, varier les personnages, être un humoriste immobile et captivant, et pour pouvoir en vivre, il doit conquérir un statut auquel peu d’élus peuvent prétendre. C’est au sein d’une école prestigieuse, la seule du pays, que se joue un jeu de pouvoir, puisque le père de l’héroïne, naïf passionné, va être la victime d’un grand maître lors d’un concours. Cette intrigue, puisque quelques années vont passer et faire passer au second plan ce père déchu, se déploie sur de nombreux niveaux : les rangs des rakugen, avec les nuances du jeu, les caractères d’autres aspirants, qui vont aider l’héroïne à se développer, mais aussi les histoires typiques de la tradition japonaise, qui doivent constamment être réinventées, selon le public et les époques. Il y a ainsi à travers ce métier peu connu une vision globale et extrêmement intéressante du Japon.

© Ki-Oon / Takamasa

Graphiquement, Akane Banashi est une série (du moins les deux premiers tomes) qui combine de nombreuses influences. Le style n’est pas figé, il est changeant, semble tour à tour tenter, innover ou se conformer. Ainsi, alors qu’on croit assister à une histoire banale, le dessin ne cesse de surprendre : très sérieux par moments, il a des audaces sur un visage, un décor, une émotion, et le plan suivant reprend son cours normal. On passe d’une salle de karaoke à un Epad sans problème, car il est très plaisant de voir que cette trame s’accompagne d’une multitude de détails, d’une volonté de raconter à la manière d’un rakugo, en alliant la tradition à la modernité, en variant le ton, en variant les gestes.

© Ki-Oon / Takamasa

Manga impeccable, centré sur un emblème de la société japonaise, Akane Banashi construit une narration solide et l’imprègne d’un dessin en évolution constante.